J’ai reçu un nouveau message de Jacques Marie, conseiller pour les Caraïbes, qui réagissait à l’email de notre collègue au Canada nous avertissant d’un bref tremblement de terre ressenti hier à Ottawa.
Je vous incite à lire ces quelques mots doux-amers sur l’état de l’ile quelques mois après le désastre humanitaire. La situation est stable, mais l’équilibre est précaire tant ce pays est fragilisé à l’extrême. Le moindre orage abat les ruines branlantes et bouche les égouts. L’espoir fait vivre, ici plus qu’ailleurs. Alors, les enfants chahutent et rient en allant à l’école sous une tente. A l’image de ces camelots ambulants, chacun essaie de retrouver une place, un rôle, au jour le jour.
Stupeur et tremblement dans ton vieux continent heureusement plus stable semble t-il que la microplaque sur laquelle je me trouve et qui semble ne plus bouger beaucoup ce qui n’est pas sans être inquiétant : en effet, une petite secousse de l’ampleur de celle que vous venez de connaitre à Ottawa de 5.5 serait suffisante pour causer des dégâts considérables dans le pays qui souffre, ces jours-ci, de pluies et je doute que la maison où je me tiens actuellement résistera à une nouvelle secousse, même d’une ampleur plus supportable pour des pays organisés.
On peut de notre coté consulter en temps direct les enregistrements du sismographe dont fut doté le lycée français Alexandre Dumas il y a quelques années, grâce en partie à une réserve parlementaire (http://www.lycee-a-dumas-pap-aefe.org) ; ce séismographe a bien entendu enregistré pleinement les secousses de janvier en Haïti et nombreux d’entre-nous le consultent en temps direct et reçoivent les nouvelles de l’USGS qui montre quand même une recrudescence depuis janvier de tremblements de terre aux confins des limites de toutes les plaques de subduction.
Merci d’avoir pensé à nous et je profite de ce rappel à des évènements cruels pour vous dire que la situation ici semble piétiner : les pluies régulières et les premières dépressions tropicales accompagnées de vents rendent la situation des déplacés, dans les abris de fortune qui ont fleuri sur toutes les places et endroits un tant soit peu libres de la capitale et de ses banlieues, de plus en plus précaire. Les maisons continuent à être démolies ou tomber toutes seules envahissant les quelques routes qui restent encore carrossables de gravats qui ne peuvent être évacués à la même vitesse que les démolitions. Derrière les ruines et les premières démolitions, apparaissent d’autres et d’autres ruines nous rappelant à chaque instant l’ampleur des dégâts. Du coup, tous les égouts sont bouchés et la moindre pluie transforme en torrents les rues dévalant des hauteurs.
La vie a repris son cours sur les gravats sur lesquels prospère les maigres étals des vendeurs de tout, qq bananes – corossols, mangues légumes côtoient des pièces détachées de toute sorte, des médicaments ou placébos issus de laboratoires parallèles internationaux, des petits sachets de plastique d’eau rafraichis dans des seaux avec un peu de glace. Le tout devant un ballet de grosses voitures CD et plaques ONG internationales souvent beaucoup trop grosses pour les routes locales transportant consultants internationaux fort de leur inexpérience et des ONG dont les frais généraux font un bond en avant. Le tout bien entendu sous l’oeil vigilant des troupes de la Minustha armées comme si c’était l’Afghanistan, posant un œil inquisiteur sur tout ce qui bouge, prêt à on ne sait pas trop bien à quoi… ? Pour dire que l’argent n’arrive pas à la base, sauf par des emplois qui permettent à des petites gens d’avoir un salaire. Entre temps, Business Is Business et le défilé des entrepreneurs de tous poils, origine est impressionnant saturant l’aéroport qui n’en peut plus. Beaucoup de discussions à tous les niveaux pour tenter s’extirper d’un labyrinthe qui n’a peut- être pas de sortie.
Et au milieu de tout cela une lueur d’espoir – une grande bouffée d’oxygène – les petits écoliers et petites écolières dans des uniformes de leur école, impeccables, repassés, socquettes blanches, cheveux au “carreau” nattés qui rient qui pleurent qui revivent un semblant de vie d’enfant se rendent à leur école qui ont repris dans des tentes ou des espaces de fortune avec des professeurs souvent mal payés. On supporte ainsi les embouteillages que causent les sorties ou entrées de ces mini-écoles mini-lycées presque avec joie de voir en cette jeunesse toute neuve qui regagne une certaine insouciance, un futur que tous espère meilleur.
Dans quelques jours je vous avertirais et posterais sur mon site des photos et un rapport de l’aide que nous essayons d’apporter à quelques projets.
Amicalement – Jacques Marie
Photo Flickr de insidedisaster et de bbcworldservice
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