Le 4 avril dernier, à l’invitation d’Ilhan Kyuchyuk, membre bulgare du Parlement européen, vice-président de ALDE (Alliance of Liberals and Democrats for Europe), j’ai participé à la conférence intitulée : L’Union européenne à la recherche de sens.
Pour cerner la question, deux tables rondes furent organisées. La première portait sur l’intégration ou la désintégration de l’UE à la lumière des crises. J’ai participé à la seconde, en compagnie de Dr Julie Smith (Baroness Smith of Newnham et membre de la chambre des Lords) et Melisa Rodriguez (membre du parlement espagnol) sur le thème du Brexit : défi ou opportunité pour l’UE ?
Lors de ce débat, modéré par Zinaida Zlatanova, ancienne vice-ministre-présidente et ministre de la Justice bulgare, j’ai saisi l’occasion de dire que, contrairement à ce que certains laissent accroire, le Brexit ne démontre pas que l’UE a échoué. J’ai alors développé les points qui suivent.
Fondée pour garantir la paix sur le continent, l’Europe n’a plus connu d’épisode guerrier depuis 70 ans, à l’exception de la dislocation douloureuse de la Yougoslavie. Paix et prospérité sont liées. La Communauté économique européenne (CEE) a réussi à constituer rien moins que la première puissance commerciale mondiale, tout en facilitant l’essor de ses pays membres.
La jeunesse européenne ne rêve plus d’Amérique, comme la génération précédente. La génération Erasmus s’emballe à l’idée de pouvoir étudier partout dans l’Union et de s’enrichir de ses diverses cultures.
Et puis, le Brexit nous est tombé dessus. Il nous impose un tas de défis qui s’étirent en accordéon.
Tout d’abord, il faut reconsidérer le statut des 3 millions d’Européens qui résident au Royaume-Uni et celui du million et demi de Britanniques vivant sur le continent. Pour l’instant, rien n’est formellement réglé et tout est déclaration d’intention.
Ensuite, la question épineuse de l’Irlande. Les bons offices de l’UE ont contribué à mettre fin au conflit qui déchirait l’île, ce qui a rendu europhile une majorité d’Irlandais. A mon arrivée à Londres, au milieu des années 90, l’IRA avait rompu le cessez-le-feu. Je n’oublierai jamais l’état d’un bâtiment dans les Docklands qui avait été soufflé par une bombe. Aujourd’hui, personne ne veut un retour funeste au passé, ni envisager une île coupée en deux par une frontière “en dur”.
Mon troisième point avait trait aux grandes puissances, dont certaines sont prêtes à tout pour contrecarrer la suprématie commerciale de l’UE.
Ces États, souvent grands comme des continents, se sentent concrètement menacés par nos valeurs démocratiques qui heurtent de front leur modèle autoritaire, pour ne pas dire totalitaire. Utilisant les moyens les plus insidieux, ces puissances cherchent à déstabiliser l’Union et ses états membres. Les populistes, nationalistes et sécessionnistes de tout crin font leur jeu et sont donc soutenus en sous-main.
Le Brexit a représenté une victoire aussi éclatante qu’inespérée pour les États qui œuvrent à l’affaiblissement de l’Union. Contrairement à ce que pensaient les Euro-sceptiques, la perspective de retrait du Royaume-Uni a paradoxalement renforcé la cohésion entre les autres États de l’UE. Mais la perte serait patente pour l’UE, autant que pour le Royaume-Uni qui serait durablement divisé, si le processus de sortie devait aller à son terme…
Le Brexit vient s’ajouter à tout un lot de crises récentes. Ces tribulations ont apporté à l’Europe une brusque maturité, une compréhension que ses forces et ses fiertés, comme l’humanisme, le pacifisme ou bien l’ouverture économique, pouvaient être perçues comme de la candeur exploitable sans vergogne par des pays tiers.
Certains États nous ont déclaré une véritable cyber-guerre pour saper les fondements de nos démocraties. Ainsi, à coup de fake news, Bruxelles ou le parlement européen sont constamment discrédités dans les médias sociaux.
Heureusement la prise de conscience a eu lieu au sein de l’Union et la volonté de ne pas se laisser faire se raffermit chaque jour.
« Nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes », disait Jean Monnet. Soixante-quinze ans plus tard, 512 millions d’habitants sont « unis dans la diversité ». De nombreux Britanniques, dont certains ont voté « Leave », s’empressent désormais de prendre une double nationalité pour conserver leur appartenance à l’UE.
En définitive, le Brexit a réveillé l’Europe !
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