Ce jour, nous étions quelques-uns autour du consul général Edouard Braine et de Georges Berthoin, directeur de cabinet de Jean Monnet, à assister à la cérémonie du souvenir organisée à Westminster Abbey pour célébrer la déclaration prononcée le 9 mai 1950 par Robert Schuman. Ce jour-là, cinq ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, le ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman, lance l’appel fondateur de la construction européenne. Cette déclaration annonce la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) l’année suivante.
A l’endroit même où dix jours plus tôt, deux milliards d’individus avaient braqué leurs regards, j’étais heureux de pouvoir représenter en la circonstance les Français du Royaume-Uni qui, rappelons-le, avaient voté à 90% en faveur du projet de constitution européenne en 2005.
Aussi, en ce lieu propice aux évocations historiques, j’ai pensé à Victor Hugo qui a vécu plus de vingt ans au Royaume-Uni. Il fut le premier à présager la création des Etats-Unis d’Europe. C’est encore à Londres que Jean Monnet va convaincre Churchill, dans une note intitulée Anglo-French Unity, de l’intérêt d’une union franco-britannique immédiate impliquant un seul Parlement et une seule armée, pour être plus forts face à l’Allemagne qui envahissait notre territoire.
En 1950, soit dix ans plus tard, alors que certains craignent que l’Allemagne soit à nouveau tentée par une revanche, Jean Monnet travaille en secret sur un projet de mise en commun du charbon et de l’acier, principales sources d’une possible industrie de guerre. Il transmet ses travaux à Robert Schuman au printemps.
François Duchêne, jeune journaliste britannique né d’une mère française avait écrit des articles pro-européen en 1951 dans le Manchester Guardian au sujet du Plan Schuman. Remarqué par Jean Monnet, il écrira des notes et des discours pour le père de l’Europe. Après sa mort, sa fille Kate m’a adressé une copie de la biographie de Jean Monet écrite par son père qui trône dans ma bibliothèque. J’ai ressenti son geste comme un passage de témoin m’incitant à m’engager à mon tour de toutes mes forces en faveur de la construction européenne.
Il convient désormais pour les décideurs politiques de faire passer les intérêts de l’Europe avant ceux des états nationaux. Les enjeux dépassent les frontières d’antan.
A titre d’exemple, l’Europe met en place un partenariat public-privé sur l’internet du futur et finance la moitié des 600 millions d’euros d’investissements. Si l’internet actuel relie les ordinateurs et des personnes, l’avenir sera axé sur la mobilité pour connecter entre eux toutes sortes d’appareils et d’objets. Le réseau existant ne pourrait supporter de tels volumes de données, ni offrir un niveau de sécurité suffisant. Ce sont 152 organisations qui s’engagent dans un partenariat pour construire l’internet européen du futur.
A l’heure où la crise économique fait resurgir des crispations identitaires qui permettent à des mouvements politiques de mettre les difficultés sur le dos de l’Europe, il n’est pas inutile de se souvenir des pères qui ont fondé cette merveilleuse entente entre les peuples européens.
“Nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes”, disait Jean Monnet. Soixante ans après, la longue marche vers les Etats-Unis d’Europe se poursuit.
Voir “Histoire d’un traité” en vidéo (document INA)
Lire le fac-similé du texte manuscrit du discours de Robert Schuman, prononcé le 9 mai 1953 à Luxembourg, première célébration du jour de l’Europe. Robert Schuman a offert son manuscrit autographe à Georges Berthoin, ancien chef de cabinet de Jean Monet : Jour de l’Europe-1ere celebration 1953
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