Connaissez-vous l’histoire de ce général corse, patriote, fin politique et héritier des Lumières ? Ce n’est pas lui, c’est l’autre : Pasquale Paoli. Et pour cause, lui, fut un grand ami des Anglais. Savez-vous même que son buste trône dans l’abbaye de Westminster ?
Chaque année, à Londres, l’association corse Pasquale Paoli organise une commémoration comme ce fut le cas le vendredi 3 février à Westminster, où résonnèrent des chants corses interprétés par des musiciens venus tout spécialement de l’Ile de Beauté. Les accents de leur musique, si insolite en ces lieux solennels, offre ce charme singulier de réchauffer instantanément les âmes. Ces Corses n’interprètent pas une chanson, ils vous en font cadeau, l’oeil brillant et les paumes ouvertes.
La présidente de l’association, Gabrielle Mulas-Thorogood, fut fort honorée de la présence du consul général, Edouard Braine, qui a malicieusement souligné qu’il comprenait pourquoi nos amis britanniques avaient préféré ce général-ci à son contemporain corse.
Qui est donc ce Paoli ? A l’évidence, un personnage d’exception puisque cinq villes des Etats-Unis portent son nom… mais il ne fait pas partie de nos grands hommes. Et pour cause, il ne s’est jamais senti Français une seconde. Paoli a partagé sa vie entre deux iles, la Corse, sa patrie, et la Grande-Bretagne, sa terre d’exil, où il passa la moitié de sa vie à Londres pour y mourir en 1807, à l’âge de 81 ans.
Grâce à lui, la Corse fut un état indépendant de 1755 à 1769, période durant laquelle il occupe la tête du gouvernement. Un état moderne doté d’une constitution, reposant sur la séparation des pouvoirs prônée par Montesquieu, trente ans avant la constitution américaine de 1787 qu’il a inspirée ; un état démocratique aussi, fondé sur la souveraineté populaire qui ouvre même le vote aux femmes (veuves ou célibataires).
On imagine aisément l’aura de Paoli auprès des milieux progressistes et de personnalités de l’acabit de Voltaire et Rousseau. Les chantres de la liberté l’ont adoré, mais aussi les Corses, génération après génération, dont il incarne l’orgueil insulaire.
En 1769, les troupes de Louis XV débarquent en Corse et écrasent toute résistance. Le roi de France vient d’acquérir l’ile auprès de la République de Gênes. Paoli s’exile à Londres. Il reviendra, vingt ans plus tard, salué comme une gloire nationale par tous les acteurs de la Révolution française qui lui confient le commandement de l’île, en 1790. Son étoile se terni rapidement au point que la Convention ordonne son arrestation en 1793. Par calcul politique, il livre la Corse à l’Angleterre qui ne se fait pas prier pour envoyer sa flotte canonner les quelques ports rebelles. Mais les Britanniques demeurent suspicieux vis à vis à de cet esprit affranchi et s’arrangent pour le renvoyer à Londres.
La France est une et indivisible, mais ses régions et ses terroirs forment un héritage composite qui font sa beauté et sa richesse. Plusieurs associations régionales se sont constituées à Londres qui pourtant vivent au rythme de la mondialisation et illustrent cette belle expression reprise par une émission télé : des racines et des ailes.
Après Westminster, accompagné de Carole Rogers, présidente de la Fédération des associations françaises en Grande-Bretagne, j’ai prolongé la soirée et profité encore des chants traditionnels sur l’Hispaniola, une péniche amarrée sur la Tamise. Avec les Corses, l’eau ne peut être bien loin…
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