A l’occasion des 70 ans de la Déclaration du 9 mai 1950, prononcée par Robert Schuman, j’ai le plaisir de publier cette tribune en collaboration avec Nicolas Bizel.
Intégrer au plus vite les Balkans à l’Union européenne
Si le conseil européen se refuse à fixer une date pour l’adhésion, il devrait à minima créer les conditions permettant de l’accomplir pour chacun de ces pays d’ici à 2030 !
Il y a tout juste 70 ans, aujourd’hui, Robert Schuman prononçait le texte fondateur de la construction européenne. Malgré la situation exceptionnelle liée au Covid-19, l’Europe poursuit sa marche en avant. Les institutions européennes travaillent avec leurs partenaires, notamment avec les pays aspirant à rentrer dans l’Union européenne.
Le 6 mai 2020 s’est tenu le Sommet virtuel de Zagreb au cours duquel a été confirmée sans équivoque la perspective européenne pour les pays des Balkans occidentaux. Cette réunion fait suite au Conseil européen du 25 Mars 2020 au cours duquel le feu vert a été donné pour démarrer les négociations d’accession avec la Macédoine du Nord et l’Albanie.
N’en déplaise aux contempteurs de la Commission européenne ou autres afficionados du Brexit, certains peuples voient toujours l’Union européenne comme un objectif, un espoir et un idéal. Nombreux sont les femmes et les hommes qui n’ont pas oublié l’Histoire et les bienfaits apportés par le projet européen.
Les Balkans occidentaux semblent entrer de nouveau dans la voie de l’adhésion.
Pourtant, il faut pourtant rappeler que la décision concernant la Macédoine du Nord et l’Albanie a été prise dans la douleur après plusieurs mois difficiles de discussions, et un refus humiliant de la France et des Pays-Bas en octobre dernier.
Loin d’être un aboutissement, le démarrage des discussions d’adhésion ne marque que le début d’un processus à l’issue incertaine. Plusieurs pays négocient depuis près de dix ans déjà, mais face aux hésitations des États membres et sans vision claire sur le futur de l’Union européenne et de ses frontières finales, aucune perspective d’élargissement n’est à prévoir dans les années qui viennent.
La France par la voix d’Emmanuel Macron évoque la nécessité de réformer au préalable le fonctionnement des institutions européennes avant d’envisager une ouverture à de nouveaux membres. Paris a exigé également qu’un nouveau mécanisme de négociations soit mis en place afin de remplacer le système actuel jugé trop “bureaucratique”.
Combien de temps prendra la réforme de l’UE et dans quelles directions ? Personne ne le sait vraiment.
Force est de constater que l’ensemble des États membres s’accommode de divers arguments afin de protéger un statu quo visant à promettre l’entrée dans l’UE sans s’engager sur une quelconque date. Et le Sommet de Zagreb du 6 mai n’a fait que confirmer cet état de fait. Si la perspective européenne a été rappelée, aucune discussion concrète sur l’adhésion pleine et entière à l’UE n’a été évoquée.
La question n’est pourtant pas ici d’élargir l’Union européenne à l’Est, comme certains l’envisagent pour l’Ukraine ou la Turquie ; Mais d’intégrer des pays qui sont enclavés sur son continent.
Jean Monnet disait : “Nous sommes là pour accomplir une œuvre commune, non pour négocier des avantages, mais pour rechercher notre avantage dans l’intérêt commun”.
Rien n’est en effet plus dangereux que l’immobilisme actuel qui met en péril la stabilité des Balkans et par ricochet la stabilité de l’Europe toute entière.
Pourquoi faut-il faire rentrer les Balkans occidentaux rapidement ?
Suite à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie et les guerres qui s’en sont suivies, certaines cicatrices ne se sont par refermées et des conflits latents demeurent : la question du Kosovo* et de la Serbie n’est pas encore résolue ; les tentations nationalistes en Bosnie-Herzégovine créent une instabilité latente à même de pouvoir exploser un jour ou l’autre. L’Union européenne y joue un rôle de médiateur salutaire mais la zone est devenue un des terrains de jeu d’influences favori pour des puissances extérieures (États-Unis, Russie, Chine, Turquie…) qui rivalisent en initiatives pour jouer de tensions sur le continent européen afin de ralentir l’expansion économique de l’UE.
Intégrer les Balkans occidentaux dans l’UE offrirait une protection, une stabilité, de nouveaux espaces de discussions et de négociations au sein même des institutions européennes et créerait les conditions du succès comme on l’a vu par le passé en Irlande.
L’Union européenne en tant que “force de paix” est en mesure d’assurer la stabilité et un avenir commun entre ces peuples.
Refuser d’intégrer maintenant ces pays à l’UE, c’est également prendre le risque de créer une région à deux vitesses, avec des pays déjà membres et les autres éternels candidats.
Pourquoi la Slovénie, la Croatie, la Bulgarie et la Roumanie auraient eu droit à une approche plus flexible et privilégiée que la Serbie, la Macédoine du Nord ou le Monténégro ?
Interrompre cette marche en avant au milieu du chemin dans les Balkans exacerberait le sentiment d’injustice et d’inégalité de traitement.
C’est dommageable pour la relation de l’UE avec ses voisins. Surtout, au-delà du ressentiment, certains pays risquent de tourner le dos définitivement au projet européen. Ce serait une aubaine pour les autres puissances déjà en embuscade.
Les sondages dans les Balkans donnent encore une majorité de la population en faveur de l’entrée dans l’Union européenne. Mais cela ne durera pas éternellement si aucune perspective concrète d’adhésion n’est visible. Ne décevons pas l’aspiration de peuples européens en besoin de démocratie, d’opportunités économiques et voulant contribuer pleinement à la construction européenne.
Les Balkans souffrent de la fuite de leur jeunesse et de leur population la mieux formée vers l’Union européenne. La Commission des Nations unies sur la démographie prévoit une chute de la population de la région de l’ordre de 15% d’ici 2050. Comment peuvent-ils, dès lors, se développer durablement ? Il parait irresponsable de les affaiblir de la sorte.
L’Europe a le devoir et les moyens de contribuer à enrayer cette chute en mettant en œuvre une stratégie de développement ambitieuse qui ne peut se faire que dans le cadre des institutions européennes grâce à l’appui des fonds structurels. Là encore, un tel volontarisme de la part de l’Union européenne éviterait de laisser à d’autres le soin d’investir et d’influencer une région encore fragile.
Certes, les Balkans occidentaux font face à des problèmes majeurs dans leur fonctionnement interne : les manquements de l’État de droit, d’une justice indépendante et impartiale et la corruption endémique gangrènent la société balkanique. Mais les citoyens exigent des réformes fondamentales et l’influence de l’Union européenne défenseure des droits et libertés fondamentales se doit de jouer un rôle majeur.
Ce processus de changement prendra du temps et nécessite un travail de fond. Cette transformation se poursuivra même une fois l’entrée dans l’UE acquise car les réformes ne s’arrêteront pas, bien au contraire.
Si le conseil se refuse à fixer une date pour l’adhésion, il devrait à minima créer les conditions permettant de l’accomplir pour chacun de ces pays d’ici à 2030.
Accueillir les Balkans occidentaux au sein de l’Union européenne marquerait une avancée pragmatique fondée sur l’histoire, la géopolitique et la démocratie. L’Union européenne en serait régénérée et cela démontrerait au monde qu’elle a vite surmonté le traumatisme du départ du Royaume-Uni.
Jean Monnet avait raison : “Nous ne coalisons pas des États, mais nous unissons des hommes”.
Achevons le rassemblement de tous les Européens qui peuplent ce continent sous la bannière bleue étoilée.
Intégrons au plus vite les Balkans occidentaux à l’Union européenne !
Olivier Cadic (sénateur représentant les Français établis hors de France)
Nicolas Bizel (diplomate européen)*
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* Les points de vue exprimés par l’auteur dans cet article ne sont ceux que de l’auteur et ne peuvent nullement être interprétés comme reflétant la position officielle de la Commission européenne.
Lire la Déclaration du 9 mai 1950, prononcée par Robert Schuman
Notre tribune publiée dans Danas
Le 29 mai, notre tribune a été traduite par le quotidien serbe, Danas.
L’intégration de la république de Serbie dans L’Union européenne est considérée comme un objectif, un espoir et un idéal.
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