Qu’il est bon d’entendre parfois des propos baignés d’intelligence et de vision sur le thème de l’expatriation, creuset de toutes les démagogies, vivier de toutes les stigmatisations, en un mot défouloir commode pour politicien en quête d’éclat patriotique. Oublie-t-on que l’on parle de plus de deux millions de personnes ?
“Dans tous les domaines, économique, commercial, culturel, linguistique, l’expatriation est un facteur irremplaçable de la réussite de la France.” Ce sont les mots d’Alain Juppé pour ouvrir la 15ème session plénière des élus de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), réunis à Paris la semaine dernière. Pour le ministre des affaires étrangères, la modernisation de notre pays implique de “connaître de nouvelles cultures, découvrir d’autres systèmes, comparer les expériences, échanger les bonnes pratiques”. Pour ce faire, quel meilleur chemin que celui l’expatriation ? Il a martelé que nous avons tout à gagner de la présence de communautés françaises dans le monde. “Regardons le monde tel qu’il est et non tel que nous le rêvons ou nous le craignons : nous y avons toute notre place”, plaide-t-il avec lyrisme.
Alain Juppé est venu affirmer clairement que “l’État est aux côtés des Français de l’étranger” en nous assurant de son intention de poursuivre la modernisation de notre réseau consulaire, “le deuxième du monde en termes de couverture géographique et le premier quant à la variété des services offerts.” Si la qualité du service rendu est toujours perfectible, le ministre s’est amusé à expliquer qu’il était aujourd’hui plus simple de récupérer son passeport biométrique à l’étranger qu’en France.
Certes, les Français hors de France ont beaucoup pour être heureux, mais ils ont aussi de sérieuses préoccupations. Trois thèmes émergent, comme autant de priorités pour le ministre : éducation, sécurité et protection sociale.
Concernant l’éducation, chacun sait que les bonnes paroles se marient bien avec des moyens financiers. A l’heure de la contrainte budgétaire, Alain Juppé a commencé par poser que l’AEFE, Agence pour l’enseignement français à l’étranger, disposait d’un budget de 420M€.
On se souvient qu’il a présenté en conseil des ministres un plan de développement de l’enseignement français à l’étranger, le 15 juin dernier, sur le modèle de notre plan Ecole au Royaume-Uni (lire : “Un plan Ecole pour le monde, présenté au conseil des ministres” du 29 juin 2011). Par ailleurs, j’attends aussi beaucoup du label FrancEducation, qui sera délivré à partir de l’année scolaire 2011-2012 à une centaine d’établissements d’excellence étrangers. Une fois labellisées, ces écoles pourront proposer un enseignement bilingue aux enfants français trop éloignés du réseau AEFE ou bien n’y trouvant pas de place. Le tout sans grever les comptes publics.
Justement, le ministre d’Etat a rappelé que le seul budget des bourses scolaires et de la prise en charge représentait 120M€ pour 31.000 bénéficiaires… Il rappelle que sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy l’aide à la scolarité a plus que doublé, passant de 50€ à 120M€.
Au chapitre de la sécurité, il confie que l’année a été rude pour les hommes du Centre de crise du Quai d’Orsay, entre tsunami au Japon, épidémie en Haïti, troubles en Côte d’Ivoire ou encore révolutions arabes. “L’investissement personnel, le discernement et le sang-froid de ses agents ont sauvé de nombreuses vies humaines”, accentue-t-il.
On peut rappeler que ce Centre de crise alimente le site “Conseils aux voyageurs” qui jouit d’une forte notoriété comme l’attestent ses 500.000 visiteurs mensuels. Un nouveau service complète désormais cette plate-forme, il s’agit d’Ariane qui adresse gratuitement des messages d’alerte aux voyageurs en cas de menace… dès lors qu’ils s’enregistrent avant leur départ. La Sncf et les compagnies aériennes vont être sollicités pour mieux faire connaitre Ariane aux 13 millions de Français qui voyagent chaque année.
Enfin, en matière sociale, Alain Juppé a souligné que les crédits affectés à la protection sociale ont été maintenu en 2012. Une vraie gageure par les temps qui courent.
A l’heure où 11 députés viendront renforcer au printemps 2012 la représentation des expatriés au Parlement, quel sera le devenir des élus de l’AFE suite à cette “vraie avancée démocratique” ? Alain Juppé a posé cette question dans le but de nous demander d’être “force de proposition pour nourrir l’action politique française des expériences étrangères.” Pour le ministre “réformer intelligemment” rime avec la connaissance “les raisons des succès et des échecs d’autres États face à des problèmes qui souvent nous sont communs”.
On ne peut que le remercier de nous accorder un crédit moral et intellectuel d’une telle envergure.
Discours d’Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères et européennes, du 27-09-2011
Photo Flickr de francediplomatie
0 Commentaire
Publiez votre commentaire