Lorsque l’exécutif est incapable de faire respecter la loi, le législateur légifère sur les dérogations à la loi.
En prenant la parole, juste avant le vote général à plus d’une heure du matin, j’ai redit mon désaccord sur le projet de ratification de l’ordonnance « Accessibilité » tel que le gouvernement le soumettait au Sénat, ce 2 juin. Face à un consensus général du monde politique, je souhaitais signifier aux associations de personnes handicapées qu’elles ont été entendues.
Celles-ci parlent au nom de quelque 9,6 millions de personnes en France, selon l’Insee, qui ont des difficultés pour se déplacer normalement. Ces organisations s’indignent aujourd’hui parce qu’on enterre la loi du 11 février 2005 qui avait prescrit 10 ans pour rendre accessible les établissements recevant du public (ERP), les transports publics, les bâtiments d’habitation et la voirie (lire : Handicap : contre le report des échéances pour rendre accessibles les lieux et les transports – (VIDEO du discours – du 12 mars 2015 )
L’ordonnance ouvre la possibilité de reporter les travaux de mise aux normes à plusieurs années, tout en multipliant les cas d’exemption (petites communes, points d’arrêts « non prioritaires »…).
Les débats ont montré que les élus, pragmatiques et sincèrement désireux de permettre à tous les établissements recevant du public d’être accessibles, se retrouvent confrontés à des normes souvent absurdes et coûteuses imposées par l’administration. Pourquoi dans ces conditions ne pas avoir remis à plat ces normes pour les faire évoluer il y a 3 ans, lorsqu’à l’évidence l’objectif d’accessibilité de la loi 2055 semblait hors de portée?
Dans mon intervention, ci-dessous, j’ai regretté que les raisons de l’échec de la mise en œuvre de la loi de 2005 n’aient pas été analysées.
J’ai également cité Edouard Braine, ancien consul général de Londres, qui dénonce cet injustifiable retard français en matière d’accessibilité et qui risque bien de plomber notre candidature aux JO de 2024.
Séance du 2 juin 2015 – Ratification de l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées
Olivier Cadic : « Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai écouté avec beaucoup d’attention et d’intérêt les débats de ce soir.
Les associations formulent de vives critiques sur ce texte car elles attendaient depuis dix ans l’obligation d’accessibilité en 2015.
Ceux qui ont fait les efforts pour appliquer la loi ont le sentiment qu’une prime est donnée à ceux qui n’ont pas respecté la loi.
Pour ma part, je regrette l’absence de réflexion collective sur les raisons de l’échec de la mise en œuvre de la loi de 2005.
Je ne reviendrai pas sur mon intervention du 12 mars sur le sujet, mais je voudrais rappeler le témoignage que j’avais évoqué en conclusion de mon intervention.
Tétraplégique depuis une quinzaine d’années suite à une chute de cheval, Édouard Braine, notre ancien consul général en poste à Londres, a pu mesurer l’écart qui séparait la France du Royaume-Uni. Il déclare ceci :
« Depuis Londres, j’avais estimé notre retard sur les Britanniques à trente-cinq ans. Ce délai est celui qui sépare l’adoption de la loi principale sur le sujet, votée par le parlement de Westminster, en 1970, tandis que la loi française date de 2005.
« Mon estimation était hélas optimiste, car, si les obligations d’accessibilité prévues dans notre loi étaient remises en cause, notre handicap par rapport aux Anglais dépasserait alors cinquante ans. […]
« Le mythe de la prise en charge intégrale, même dans une optique charitable, est une piste beaucoup moins efficace que l’approche pragmatique des Anglo-Saxons et de nos voisins en Europe. »
L’injustifiable retard français en matière d’accessibilité risque de coûter cher à l’image de la France. C’est l’oubli par notre pays de l’accessibilité et des jeux Paralympiques qui avaient permis à Londres de s’imposer en 2012. Si Paris ne devient pas irréprochable dans ce domaine, il est inutile de faire croire qu’une candidature de notre capitale ait la moindre chance pour 2024.
Avec les dispositions présentées aujourd’hui, le volontarisme de la loi de 2005 fait place à l’attentisme. Le dogmatisme des normes absurdes responsables de l’échec de la loi de 2005 perdure.
Je ne peux souscrire à cette orientation et ne voterai donc pas ce texte : je m’abstiendrai. »
Lire les débats du 2 juin 2015 sur l’Accessibilité.
2 Commentaires
Bonjour, et merci de cette comparaison avec les pays anglo-saxons.
Allons sur le fond et permettez-moi une question quant aux rôles de l’exécutif et du législateur ? Les lois anglo-saxonnes dans cette problématique ont elles une approche aussi philosophique que notre loi de 2005 dite “de l’égalité des chances” ? J”en veux pour preuve l’ADA aux EU qui parle tout simplement de discrimination permettant à tous les “tax-payers” de rentrer tout de suite dans le vif du sujet.
Quel frein principal rencontre t’on chez nous ? Dans cette législation, dont l’un des objectifs était de normaliser l’accessibilité de tout pour tous, aucune contrainte et aucun cahier des charges pour la formation et le diagnostic n’ont été intégrés au sein de la loi, laissant proliférer l’amateurisme et l’opportunisme non qualifiant…
J’essaie de comprendre ce manque d’habitude à travailler ensemble.
Je me permettrai de contacter votre bureau pour d’éventuels échanges. En attendant je vous livre l’introduction d’un article qui, avant d’être publié dans son intégralité, verra plusieurs autres personnes : architecte de renom, ethologue, grands noms de la chaîne du bâtiment… donner leur avis sur la question;
http://www.confortdusage.info/2015/05/responsables/
En cas de publication lire “l’opportunisme non qualifié” svp merci
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