Le Brexit n’a pas encore eu lieu. C’est une évidence qu’on oublie. Aura-t-il seulement lieu ?
Le pays est profondément divisé. Une majorité d’électeurs (mais plus d’un million de Britanniques vivant en Europe ont été exclus du scrutin) a voté le 23/6/18 pour une sortie du R.U. de l’U.E., à laquelle les Brexiters se sont bien gardés de donner des contours.
Depuis le référendum, les responsables politiques outre-Manche s’écharpent quotidiennement sur l’attitude à tenir vis-à-vis de l’Union européenne. Et pour cause, les deux positions dominantes sont inconciliables parce que le Brexit sera dur ou mou (“Hard” ou “Soft”), mais il ne pourra pas être les deux à la fois.
De son côté, l’Union européenne refuse de céder aux Britanniques seulement ce qui les intéresse, une sorte de marché unique “à la carte”. Face aux lignes rouges des négociateurs de Bruxelles, le risque devient imminent d’un « no deal ».
C’est parce que je n’ai jamais vu la formalisation d’un accord de sortie acceptable pour les 27 de la part des Britanniques que je n’ai jamais cru que le Brexit puisse se concrétiser. Entre le chaos provoqué par une sortie sans accord baptisée “Hard Brexit” et le maintien au sein de l’UE qui a fait le succès du Royaume-Uni, je reste convaincu qu’aucun Premier ministre britannique choisira de précipiter son pays dans une aventure susceptible de désintégrer le Royaume, de réveiller des conflits en Irlande et de mettre en difficulté les millions d’européens vivant dans le pays.
J’ai partagé ma conviction lors des travaux qui ont conduit au rapport du Sénat intitulé “Brexit : Une course contre la montre”, paru le 12 juillet 2018.
Ce rapport est l’œuvre de notre groupe de suivi “sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l’Union européenne”, coprésidé par Jean Bizet et Christian Cambon.
Extrait du rapport (p.46) M. Olivier Cadic.– Je vous remercie d’avoir engagé ce travail approfondi sur le Brexit. La semaine dernière, nous attendions tous la déclaration de Chequers ; aujourd’hui nous commentons les démissions de David Davis et Boris Johnson. Qu’en sera-t-il demain ? Tout évolue si vite… Depuis le début, je n’ai pas compris ce que “Brexit” voulait dire. Voyez : nous parlons du Brexit depuis vingt-six mois et personne n’a pu le formaliser à ce jour !
C’est pour cela que j’ai toujours pensé que le Royaume-Uni resterait in fine au sein de l’Union européenne.
Le Brexit n’a pas eu lieu. Quoiqu’on en dise, à l’heure où je parle, le Royaume-Uni est toujours dans l’UE. Depuis près de cinquante ans, le Royaume-Uni contribue à la construction européenne : comment pourrait-il s’en extraire en quelques mois ? Cela reviendrait à ôter un œuf d’une omelette ! Le Royaume-Uni souhaite en réalité un modèle intermédiaire, entre l’accord de libre échange avec le Canada et le statut de la Norvège. Mais, mes chers collègues, entre le Canada et la Norvège, gît le Titanic… qui a été construit à Belfast. Quoi qu’il en soit, le pays nous offre, depuis le référendum, un spectacle pathétique. Pensez que dans une grande banque de la City, un salarié a pour unique charge de suivre le Brexit et avoue lui-même avoir parfois des difficultés à s’acquitter de sa tâche. Je vous sais gré d’avoir reçu l’association The3million et rendu compte de leurs préoccupations. Je me rendrai, lundi, au Parlement gallois pour y rencontrer Mark Drakeford, membre du gouvernement du Pays de Galles pour évaluer les effets d’une sortie sans accord sur ce territoire. Si une solution acceptable n’est pas négociée avec les 27, le risque de chaos est réel en cas de hard Brexit. En réalité, l’intérêt supérieur du Royaume-Uni n’est pas de quitter l’Union européenne. D’ailleurs, Theresa May préserve cette option. Lors du dernier conseil européen, elle a remis une lettre destinée à permettre à son pays de participer aux élections européennes de 2019 si le Royaume-Uni n’est pas sorti de l’UE à l’échéance prévue. Voilà pourquoi, aujourd’hui plus encore qu’en juin 2016, moi qui vit au Royaume-Uni depuis plus de vingt ans, je reste convaincu que le Brexit n’aura pas lieu.
“BREXIT : UNE COURSE CONTRE LA MONTRE” – 12 juillet 2018
Rapport d’information de MM. Jean Bizet et Christian Cambon, fait au nom du Groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l’Union européenne
Lien vers le rapport + la synthèse
5 Commentaires
Ce que veulent les Brexiters, c’est un “marché commun”. Ce n’est pas une Europe politique, ce n’est pas Bruxelles, ce n’est pas la libre circulation des personnes, ce n’est pas une immigration non contrôlée… Bref, un statut ” spécial” que l’UE ne pourra jamais accepter sous peine d’encourager d’autres pays à faire des demandes semblables. Une EU à la carte mais un contrôle total du Royaume Uni. Je ne vois pas d’issue… Donc, un Brexit dur est probable…. Quel gâchis…
Personne n’etait prepare au Brexit. Seule la campagne politique des Brexiteers fut conduite avec force mais sans plan de travail en cas de succes. Les Remainers etaient tellement surs de gagner que leur campagne fut totalement insipide. Bizarement les deux leaders politiques ont disparu des la fin du referendum laissant le reste du pays totalement desempare.
Le meilleur BREXIT c’est sans doute NO BREXIT! L’humiliation du RU est assuré, mais seulement le degré est inconnu: le pire “hard BREXIT” avec au moins une decennie de chaos financier similaire au Republique Weimar, ou pas de BREXIT et beaucoup de larmes… Les politiciens anglais n’ont pas su se mettre a l’hauteure de la tache.
Un problème majeur pour UK c’est que les libertés fondamentales de l’UE (libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux, non discrimination sur base de la nationalité) sont indissociables. Alors il faut choisir, yes or no. TO BE (in) or note To BE , telle est la question !
Je vous rejoins totalement sur cette analyse et ces conclusions. Il faut juste les aider avec le ‘fudge’ qui permetta de dire que le résultat du référendum de 2016 n’a pas été remis en cause…
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