Ce premier passage à Athènes constituait mon 190ème déplacement et le 56ème pays traversé depuis le début de mon mandat.
Crises de l’Euro ou des migrants, GPA… sur tous ces dossiers, la Grèce impose à l’Europe une réflexion sur son fonctionnement. A l’issue de ce périple de 4 jours, je suis reparti avec le sentiment que la Grèce est le laboratoire de la construction européenne.
(A l’image) Christophe Chantepy, ambassadeur de France en Grèce, m’a organisé plusieurs réunions auprès de ses conseillers pour me fournir une vision complète et précise de la situation de notre communauté en Grèce.
Politique
Au sein de l’ambassade de France, j’ai eu un entretien privilégié avec Niki K. Kerameus, députée du parti Nouvelle Démocratie, en présence de Pinelopi Nikole, directrice des affaires bilatérales européennes et des groupes d’amitié du parlement.
Diplômée de Harvard Law School et de Paris II Panthéon-Assas, Niki Kerameus est avocate et membre du Barreau d’Athènes et de New-York. Elue depuis janvier 2015 à l’âge de 34 ans, elle est dans l’opposition au gouvernement d’extrême gauche d’Alexis Tsipras.
Dans un portrait sans concession de l’action du gouvernement depuis l’arrivée aux affaires de Syriza en janvier 2015, elle m’a décrit le quotidien très pénible de ses concitoyens. 94Mds d’euros sont dus à l’Etat par les contribuables grecs… dans l’impossibilité de payer.
500.000 jeunes grecs ont quitté le pays depuis le début de la crise. Les professions libérales ont écopé d’une augmentation de 80% de leurs impôts et cotisations sociales ! Dès lors, beaucoup se sont évaporés à l’étranger ou ont arrêté de faire des déclarations. Par ailleurs, rien qu’en 2016, des milliers d’entreprises grecques se seraient relocalisées en Bulgarie.
La Grèce a cependant connu un regain du nombre de touristes l’an dernier. Dans le même temps, les revenus du tourisme ont chuté de 6% en 2016. Cherchez l’erreur !
Que faire pour redresser la situation ? Niki Kerameus est convaincue qu’il faut baisser les impôts et, en parallèle, diminuer les dépenses publiques de 2Mds€. Elle assure de la nécessité de faire des réformes structurelles pour améliorer la performance de l’Etat, ce qui passerait aussi par une évaluation des fonctionnaires.
Un échange passionnant qui m’a éclairé sur les options économiques de la Grèce et ses perspectives politiques : de l’avis général, le gouvernement Tsipras n’ira pas au bout de son mandat en 2019. Des législatives anticipées sont prévues à l’automne 2018, avant que de nouvelles mesures d’austérité ne soient décidées.
Europe
Laboratoire de la construction européenne
La veille de mon entretien avec Jean-Pierre Philippe, chef du service économique, la Grèce signait un accord préliminaire avec ses créanciers afin d’éviter une nouvelle crise de l’euro… en échange de mesures d’austérité complémentaires (nouvelle baisse des pensions ou du seuil d’imposition à horizon 2019).
La Grèce est championne d’Europe du chômage avec un taux de 23,4%.
Même si l’on observe quelques signaux économiques encourageants, on peine à imaginer que ce pays puisse rembourser une dette gigantesque, soit 180% du PIB pour l’instant. Même le FMI tique et invite les créanciers à transiger. Mais l’Allemagne en campagne électorale fait la sourde oreille.
Entrepreneuriat
Rendez-vous à la Chambre de commerce et d’industrie franco-hellénique (g. à d.) : Catherine Manali, directrice ; Nelly Muller, conseillère consulaire ; Olivier Cadic ; Christophe Hadzopoulos, vice-président ; Didier Cochet (Sanofi) et Gisèle Urquia (ALD Automotive), conseillers du commerce extérieur.
La CCIFH compte 450 membres et existe depuis 130 ans.
Les entrepreneurs attendent stoïquement la fin de la crise, en restant dubitatifs face aux vagues d’augmentations d’impôts du gouvernement Tsipras. A revenu égal, les salariés grecs paient trois fois plus d’impôt que les Français. Comme le crédit à la consommation s’est effondré, il est impossible d’emprunter pour acheter une voiture neuve. En conséquence, la Grèce dispose du plus vieux parc automobile d’Europe…
Pour les entreprises, il s’ajoute une instabilité réglementaire permanente. Elles subissent parfois des mesures rétroactives sur des exercices déjà clos ! Et ne parlons pas de la lenteur de la justice.
Quelques points positifs tout de même. Il existe toujours un fort potentiel économique pour certaines activités, le niveau de formation de la population est élevé avec une bonne connaissance de l’anglais et puis les solidarités s’organisent : les chambres de commerce bilatérales européennes ont créé une association afin de faire passer des messages aux autorités européennes et mettre l’accent sur les exportations dans le but de soutenir les entreprises grecques.
Visite de la société Teleperformance, entreprise française, numéro 1 mondiale des centres d’appels, dont mon collègue Philippe Dominati est un des administrateurs.
Accueilli par Costas Tzekakis, directeur, et Triantafillos Alexopoulos, DRH, j’ai découvert cette remarquable société qui emploie 5000 personnes en Grèce et en Albanie.
91 nationalités, 35 langues et dialectes parlés, 137 marchés servis ! La société se développe continuellement malgré la crise. Pourquoi ? Simplement parce que 83% de son volume d’affaires provient de l’étranger.
On dénombre 189 Français chez Teleperformance, où 250 postes sont offerts à des francophones chaque année.
Visite d’entreprise avec Cyrille Dupont, président de Thales Grèce, avec son équipe de direction dans la banlieue d’Athènes.
Cyrille est arrivé en Grèce en 2008, suite à la signature d’une lettre d’intention du gouvernement grec pour l’achat d’avions Rafale. La crise est passée par là et, depuis 2010, le marché militaire grec a disparu.
Thalès a décidé se réorienter vers des équipements civils, ouverts au financement public. C’est ainsi qu’ils ont décroché divers contrats, comme la signalisation d’une ligne de chemin de fer ou bien la modernisation du centre de contrôle de l’espace aérien grec.
Communauté française
Rencontre avec les quatre conseillers consulaires pour Athènes (g. à d.) : Nelly Muller, Chantal Picharles, Basile Delivorias et Hervé Leboucher.
Les conseillers m’ont fait partager leur regard sur la situation de nos compatriotes dans le pays. Après avoir connu une forte baisse démographique depuis 2010 (-10%), la communauté française s’est stabilisée en 2016 à hauteur 10105 ressortissants. Précisons que 80% d’entre eux sont installés en Grèce depuis plus de 5 ans.
La crise qui affecte la Grèce rejaillit évidemment sur nos compatriotes. Nos élus consulaires jouent un rôle essentiel par leur action de soutien aux plus fragiles et de cohésion au sein de notre communauté, notamment en appuyant les initiatives des associations françaises locales.
L’action de Céline Pendariés, consule, est relayée par un réseau de 17 consuls honoraires (deux fois plus que nos partenaires allemands) qui jouent un rôle irremplaçable d’assistance, tant pour les Français de passage que pour nos compatriotes résidents.
La consule m’a confié que sa section consulaire ouvrait 2000 dossiers d’assistance par an pour des Français en difficulté, essentiellement des compatriotes de passage.
GPA
Parmi les dossiers délicats, figure celui de la GPA (Gestation pour Autrui). La Grèce autorise la GPA pour raisons médicales graves. Des cliniques spécialisées ont fleuri dans le pays avec des antennes de commercialisation… en France.
La France a été condamnée en Grèce après un refus de délivrance de passeport biométrique à un enfant né d’une GPA. Contrainte de se plier à l’injonction du tribunal, ce précédent ouvre une brèche à de nouvelles requêtes.
Migrations
La réunion avec Valérie Brisset-Hautchamp, Première conseillère à l’ambassade, en présence de l’attaché de sécurité de l’ambassade, m’a permis de faire le point sur la situation des migrants.
La lutte contre les organisations criminelles faisant passer clandestinement les réfugiés bat son plein. L’Europe finance la protection de ses frontières en territoire grec, par l’intermédiaire de Frontex, le surnom de l’agence européenne, lancée en octobre 2016, pour aider les États membres à gérer leurs frontières extérieures.
Association française d’Entraide
J’ai tenu à rencontrer Lena Spengos-Fotis pour saluer son dévouement exemplaire au service de nos compatriotes les plus défavorisés.
Lena préside l’Association française d’Entraide, créée en 1922 suite à la catastrophe d’Asie mineure. Son action se traduit par des aides financières en situation d’urgence : épicerie sociale, frais médicaux, logement ; ou par un accompagnement personnalisé : formalités administratives, aide à la réinsertion professionnelle, aide au retour…
Afin de se financer, l’association mise sur deux évènements annuels qu’elle organise : le gala annuel de juin et la fête du Beaujolais. Par ailleurs, la “galette des associations françaises d’Athènes” est organisée à leur profit, dans les locaux de l’ambassade de France.
Enseignement
Lycée franco-hellénique Eugène Delacroix
Brigitte Renn, proviseure, m’a fait visiter le lycée en compagnie de Nelly Muller, conseillère consulaire pour la Grèce.
Cet établissement conventionné de l’AEFE compte 1672 élèves, dont le quart est scolarisé dans la “section grecque”.
Une rencontre avec quelques enseignants, parents d’élèves et membres du conseil d’établissement a révélé les défis typiques auxquels l’enseignement français à l’étranger est confronté.
Certains professeurs détachés par l’AEFE se voient refuser le renouvellement de leur détachement par l’Éducation nationale. Un cas de figure fréquent dans le réseau. Cette année, les élections aidant, le ministère est revenu en arrière. Est-ce un simple sursis pour ces enseignants?
Je partage les conclusions de la Cour des Comptes qui rappelle que notre système est à la croisée des chemins (rapport). Le contribuable français peine à financer l’extension internationale de notre réseau. En comparaison, le système anglo-saxon se développe à grande vitesse à l’étranger sans que les contribuables américains ou britanniques ne soient sollicités.
Culture française
Visite de l’Institut français de Grèce en compagnie de Yahia Tnina, son secrétaire général.
Autofinancé à 80%, l’IFG a la particularité de tirer l’essentiel de ses revenus des examens. En effet, 25000 personnes passent chaque année le DELF-DALF. J’ai vu un lot impressionnant de valises prêtes à partir vers les 50 centres d’examen disséminés dans le pays ! Sur ce créneau, seule l’Allemagne fait mieux que la Grèce au sein du réseau mondial des Instituts français !
La vue sur l’Acropole depuis la médiathèque est superbe. Un bien bel institut.
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