Premier déplacement en Islande, 89ème pays traversé depuis le début de mon mandat. J’adresse toute ma gratitude à Grahame Paul, notre ambassadeur de France, pour l’organisation de ce programme riche et dense qui a compté 16 événements sur 2 jours !
La réussite de cette visite doit beaucoup à la présence de Gérard Pignatel, conseiller consulaire pour la Norvège et l’Islande, qui a fait le déplacement depuis Oslo pour m’accompagner à chacune de mes étapes.
Enfin, j’adresse ma sincère reconnaissance à Damien Degeorges, français d’Islande et à mon collègue André Gattolin pour m’avoir apporté leur concours dans la préparation de mon 328ème déplacement.
Je suis rentré de Reykjavik avec une priorité d’action : la finalisation du projet de dictionnaire islandais-français Lexia, sur lequel travaille une équipe de linguistes au sein de l’université d’Islande depuis 2015. Projet actuellement à l’arrêt, faute du versement de la troisième et dernière tranche de subvention (40.000 euros) par notre ministère de la Culture. Lire ma question écrite au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères (publiée le 04/07/2019).
Politique
Premier rendez-vous avec Steingrímur J. Sigfússon, président de l’Althing, le parlement d’Islande de 63 membres, fondé en 930 !
J’étais accompagné par Graham Paul, ambassadeur de France en Islande et de Gérard Pignatel, conseiller consulaire pour l’Islande et la Norvège.
J’ai pu observer que les parlementaires siègent dans une atmosphère très conviviale.
Présidente de la commission des Affaires étrangères
Lors de ma visite au Parlement, j’ai ensuite eu le plaisir de rencontrer Arna Áslaug, présidente de la commission des Affaires étrangères.
Nous avons en particulier évoqué les relations de son pays avec l’Union européenne.
J’ai salué le rôle exemplaire de l’Islande en faveur des droits de l’Homme, de l’environnement et de l’égalité des genres. + d’images
Ministre des Affaires étrangères
Dialogue fructeux avec Guðlaugur Thor Thordarson, ministre des Affaires étrangères, en présence de Graham Paul, notre ambassadeur, et Gérard Pignatel, conseiller consulaire.
Nous avons énoncé les bénéfices de l’Espace économique européen pour l’Islande, tout comme les difficultés rencontrées par le Royaume-Uni depuis le referendum sur le Brexit.
J’ai été rassuré par les propos déterminés du ministre pour contenir les velléités de certaines puissances émergentes, susceptibles de perturber les équilibres mondiaux. + d’images
Très honoré d’avoir été reçu par Michael Mann, chef de la délégation de l’Union européenne en Islande, en présence de Graham Paul et de Gérard Pignatel.
L’Islande est liée à l’Union par les accords de l’AELE, de l’Espace économique européen et de Schengen.
Près de la moitié des importations du pays (42,5%) proviennent de l’UE qui, en retour, absorbe les trois quarts (73,4%) des exportations islandaises.
Si 35% des Islandais déclarent souhaiter que leur pays rejoigne l’UE, 45% sont toutefois d’un avis contraire. Pourtant, une majorité d’Islandais veut que le pays adopte l’euro.
Cette contradiction prend sa source dans la conscience que le moindre choc peut affecter l’économie islandaise tant leur monnaie est fragile. Ainsi, il a suffi que la compagnie aérienne islandaise à bas coût, Wow, dépose son bilan pour que le tourisme soit sérieusement affecté et que couronne islandaise soit dévaluée.
L’ancienne génération islandaise est évidemment plus souverainiste et eurosceptique que les plus jeunes, dont 1 sur 10 a bénéficié du programme Erasmus !
L’adhésion à l’UE n’entraîne cependant pas une perte de souveraineté, mais favorise un partage de souveraineté seul capable de décupler la capacité d’un état à répondre aux défis imposés par la mondialisation.
Cette conversation avec un diplomate européen qui a tenu de hautes responsabilités au Service d’action extérieure européenne, dont trois ans à la tête des activités de communication auprès de Catherine Ashton, m’a renforcé dans ma conviction que l’UE doit poursuivre son chemin en encourageant l’Islande à la rejoindre. Ainsi, nous renforcerons mutuellement. + d’images
Je suis reconnaissant à notre ambassadeur Graham Paul, d’avoir organisé en sa Résidence une rencontre pour aborder les questions de défense et de sécurité avec d’éminents spécialistes :
Thorunn Hafstein, secrétaire général du Conseil de sécurité auprès du Premier ministre, Arnor Sigurjonsson, directeur général au ministère des Affaires étrangères et Thordur Aegir Oskarsson, ambassadeur, envoyé spécial sur le désarmement.
Mes interlocuteurs m’ont permis d’apprécier la vision islandaise en matière de sécurité.
Membre des Nations unies et de l’OTAN, ce pays de 357.000 habitants ne dispose pas d’armée.
Sa situation stratégique a toujours fait l’objet de convoitises de la part de pays qui s’intéressent à la route maritime qui passe par l’Arctique.
Nous avons évoqué les menaces en matière de cybersécurité et les moyens de combattre les fake news. + d’images
Relations économiques
La fédération islandaise du commerce a organisé une conférence-débat dont j’avais suggéré le titre : “Brexit means Brexit : season 2”.
Initiée par Damien Degeorges, un compatriote résidant en Islande, cette rencontre a été animée par Olafur Stephensen, secrétaire général de la fédération. Elle m’a permis d’échanger avec des diplomates européens en poste à Reykjavik sur les raisons qui justifient que je n’ai jamais cru à la concrétisation du Brexit.
J’ai indiqué que le Brexit était rejeté par la communauté d’affaires britannique.
Le Parti conservateur qui s’est enfermé dans une stratégie mortifère en matière économique a perdu beaucoup de crédit lorsque Boris Johnson a déclaré : « Fuck business » pour défendre une vision jusqu’au-boutiste du Brexit.
J’ai aussi cité Ken Clarke à propos de Boris Johnson : « Il ne dit pas toujours la même chose, notamment parce qu’il ne se souvient pas de ce qu’il a dit la veille. »
Il faut bien prendre de la distance avec les propos, parfois volontairement provocateurs, du favori des bookmakers au poste de Premier ministre. Je puise en partie mon optimisme dans sa capacité à changer d’avis…
Dans un second temps, lors d’un déjeuner à la brasserie française « le bistro », j’ai eu le loisir d’échanger avec des personnalités islandaises du monde des affaires, dont Sigrun Guobjartsdottir, directrice de la Chambre de commerce franco-islandaise.
La chambre compte 60 entreprises, françaises pour un tiers.
Les infrastructures constituent leur premier sujet d’intérêt.
Le premier secteur économique du pays est le tourisme (42 % des recettes d’exportations). Il était donc très intéressant d’écouter Lea Gayet, directrice de la communication Europe d’Icelandair, la compagnie aérienne qui le premier employeur du pays ou encore Sigurdur Sigurdsson, CEO Islande de Lagardère Travel retail, qui compte 160 employés à l’aéroport. + d’images
Le centre de recherche et développement Matis tire les trois quarts de ses ressources de projets privés et bénéficie de crédits européens.
Il constitue un pont entre la recherche et l’industrie pour créer de la valeur afin d’assurer la sécurité alimentaire et la santé publique.
13% des personnes qui travaillent chez Matis sont françaises. J’ai d’ailleurs rencontré six jeunes chercheurs français, passionnés et passionnants : Pauline Bergsten, Cécile Dargentolle, Clara Jégousse, Justine Vanhalst, Pauline Vannier et Antoine Moenaert
Ceux-ci sont unanimes pour louer la confiance et la liberté d’action qu’on leur accorde et la variété des sujets étudiés. Ils font aussi l’éloge du mode de travail en équipe chez Matis.
Ils voudraient développer la connectivité entre les recherches islandaises et françaises, mais demeurent critiques envers la structure de recherche française qui manque de moyens et ne cherche pas à être plus attractive pour la jeune génération.
Ils vont formaliser des suggestions d’amélioration à l’attention de notre ministre de la Recherche. Je leur ai promis de lui transmettre. + d’images
La pêche est le 3ème secteur économique du pays qui compte pour 16% des exportations.
Avec 1,25M de tonnes de captures, l’Islande figure en 3ème position en Europe après la Russie et la Norvège, mais loin devant la France.
Le fondateur du Cluster Océan a eu l’idée de passer d’une structure familiale de la pêche à une vision de filière. Les pêcheurs ne se connaissaient pas, mais ils ont appris à parler ensemble.
Le Cluster n’est pas une fédération professionnelle, mais il a pour objectif de coordonner les 60 entreprises qui le composent pour leur permettre de développer leurs savoir-faire. Et désormais les sociétés qui sont créées dans ce secteur le sont majoritairement par des femmes.
Point important, la chair du poisson n’est plus la seule source de revenus, car les entreprises sont parvenues à exploiter autrement le poisson en développant de nouveaux produits, comme l’extraction des protéines depuis la peau qui peut également permettre la création de vêtements en “cuir”. L’entreprise Feel Iceland développe, quant à elle, des produits cosmétiques (collagène pour la peau) et des compléments alimentaires à l’image de ces boissons énergisantes, alternative au Red Bull.
Le Cluster Océan collabore avec 4 clusters identiques localisés aux États-Unis et développe des relations avec la Norvège.
J’espère que la France saura créer un lien avec ce réseau d’intelligence et d’innovation, soucieux d’exploiter les produits de la mer de manière durable. + d’images
Visite de la centrale géothermique de Hellisheidi et de CarbFix2, en compagnie de Graham Paul, Gérard Pignatel et Damien Desgeorges.
La production d’énergie islandaise est composée à 73% d’hydroélectricité et à 27% de géothermie. 90% du chauffage urbain est assuré par la géothermie.
Le projet Carbfix est destiné à développer une technologie qui capte le CO2 afin de le transformer en minéral sous la terre en moins de 2 ans !
Ce projet fondé en 2007 auquel le CNRS est partie prenante a reçu des fonds de l’Union européenne. + d’images
Communauté française
Afin de mieux appréhender les attentes des Français résidents, Grahame Paul, notre ambassadeur a organisé des rencontres en trois temps, auxquelles a participé Gérard Pignatel, conseiller consulaire
Remise de certificats de nationalité
Dans les locaux de l’Alliance française, j’ai eu l’honneur de remettre deux certificats de nationalité et d’accueillir ainsi deux nouvelles compatriotes au sein de notre communauté.
L’association Reykjavik Accueil montre beaucoup de vitalité à travers ses nombreuses activités pour accueillir les francophones et leur permettre de réussir leur implantation en Islande.
Ambassade et section consulaire
La communauté française en Islande compte 663 inscrits.
J’ai pu observer qu’en Islande, comme dans beaucoup de postes, un nouveau système de prises d’empreintes était attendu.
Nous avons évoqué le sujet des laissez-passer pour les touristes qui ont perdu leurs papiers pendant leur séjour. La réglementation nous permet de surtaxer l’attribution de laissez-passer en dehors des heures d’ouverture, mais nous avons déploré qu’il n’y ait pas de dispositif comptable qui permette d’encaisser l’argent !
Concernant les mariages, il serait opportun de dématérialiser la publication des bans. Il devient à la mode de se marier en Islande ! Le consulat transcrit un mariage par semaine.
Lors de nos discussions, on m’a fait remarquer que le nombre de certificats de vie établis est très modeste, puisqu’il est rare que nos compatriotes fassent le choix de l’Islande pour y passer leur retraite.
Il paraît toutefois paradoxal de demander au consulat de cesser d’établir des certificats de vie et d’exiger, en même temps, qu’il s’assure que les retraités soient toujours en vie pour mériter leur pension.
A ce propos, lire mon éditorial “Certificat d’existence : le désengagement permanent” (HebdoLettre n°122 du 24 juin 2019). + d’images
Culture française
Alliance française – Projet Lexia
La visite de l’Alliance française de Reykjavik m’a conduit à rencontrer l’association des parents d’enfants francophones qui organise des activités ludiques en français (cours d’arts plastiques en français, club ciné pour les ados…).
Leur subvention Flam n’a pas été reconduite, alors qu’elle leur permettait de financer des classes “non rentables” par manque d’effectif.
Il est nécessaire de défendre l’apprentissage du français, première langue non nordique enseignée, car elle perd du terrain au profit de l’espagnol.
Rosa enseigne le français à l’université d’Islande et travaille sur Lexia, un projet de dictionnaire français-islandais en ligne et gratuit. Le dernier dictionnaire date de 1950 !
Le budget fixé de 240.000 euros doit mettre à contribution égale chacun des deux pays. Jusqu’à présent la France n’a versé que 80.000 euros sur les 120.000 prévus.
Mon objectif prioritaire pour l’Islande sera d’aider à finaliser le projet Lexia, d’autant que c’est le seul projet de coopération bilatéral entre les gouvernements français et islandais !
Personne ne comprendrait qu’un pays comme la France ne respecte pas ses engagements et laisse ce projet remarquable inachevé pour un montant aussi modeste. + d’images
Devoir de mémoire
Hommage à Bobby Fisher (à Selfoss)
Je n’avais que 10 ans, mais la finale du championnat du monde d’échecs qui s’est tenue à Reykjavik, à l’été 1972, entre Boris Spassky, le tenant du titre soviétique, et Bobby Fisher, le challenger américain, restera à jamais gravée dans ma mémoire.
Mon oncle, joueur de club passionné m’avait transmis le virus des échecs. Je l’accompagnais pour acheter le journal, chaque jour, afin de rejouer les parties avec lui. Après chaque mouvement, nous tentions de deviner le coup suivant.
Grand maître international dès l’âge de 15 ans et demi, le champion américain était devenu une icône. Il était mon idole.
Le triomphe de Bobby Fisher face à Spassky mit un coup d’arrêt à la domination sans partage des Russes sur le monde des échecs.
A l’image d’un échiquier, Bobby a vécu en blanc et noir, sans connaître les nuances de gris. Il ne s’est jamais remis de sa victoire et s’est retiré. Ses déclarations outrancières, ses frasques, son errance et sa vie recluse ont témoigné de sa dérive.
Les Islandais lui ont offert leur nationalité pour lui permettre de se réfugier en 2005 sur le sol de son exploit, afin d’échapper à la justice américaine et à la promesse d’une fin sordide.
A sa mort, Gary Kasparov déclara que « Fischer peut tout simplement être considéré comme le fondateur des échecs professionnels et sa domination, bien que de très courte durée, a fait de lui le plus grand de tous les temps ».
Sa signature « Bobby Fisher » laissait transparaître un 64 en référence aux 64 cases de l’échiquier. Du reste, il est mort à 64 ans sur la latitude 64. + d’images
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