Qu’est-ce qui a changé en quinze ans ? J’avais créé l’association la “France Libre… d’entreprendre”, en 1996, pour aider les entrepreneurs français désireux de s’installer outre-Manche, aussi pour décourager ceux qui ne rêvaient que d’Eldorado fiscal et social. Les charges sociales patronales étaient de 48% en France contre 10,2% au Royaume-Uni. J’avais médiatisé cette différence, car si je pouvais déplacer mon entreprise pour assurer sa survie, mes clients disposant d’usines de circuits imprimés en France ne le pouvaient pas. Il me paraissait urgent de baisser ces charges pour leur permettre d’être compétitifs. En 2011, le taux de charges n’a pas varié en France. Des 138 usines de 1996 établies dans l’Hexagone, il n’en reste plus que 25 !
Au cours de la conférence UFE Corporate du 20 octobre dernier à Ashford, une table ronde fut consacrée à la création d’entreprise au Royaume-Uni, réunissant entrepreneurs et conseils.
Comme il y a quinze ans, “les disparités et les avantages concurrentiels existent toujours, pose Pascal Ferré, expert comptable, mais les expatriés sont aujourd’hui plus matures parce qu’ils cherchent aussi un marché, précise-t-il”. C’est bien l’avis d’Eric Lambert, directeur de E and E Partners Int., qui constate que tout entrepreneur est d’abord séduit par la “lisibilité de la réglementation qui permet de prévoir et d’analyser plus facilement”, mais ensuite “combien restent un ou deux ans et repartent parce que le marché est trop difficile?”, interroge-t-il.
Tous les intervenants l’ont affirmé sans ambages : la concurrence est plus vive sur le marché britannique que sur le sol de France. Pour éviter les déconvenues, il faut “être studieux” prône Alexandre Covello, fondateur de Arcanam LLP, en suggérant au moins une étude de marché “avant le go!”. Il ne viendrait à l’idée de personne de débarquer en Chine la fleur au fusil, mais l’Angleterre si proche et si familière nous rend enclin à l’amateurisme. Pourtant, “tout est dans la préparation”, martèle Eric Lambert.
Il faut donc un “bon projet” avant de partir, résume David Rosenberg, directeur de SBE UK. Et une fois sur place, il insiste sur la nécessité de “bien s’entourer”. La législation est plus flexible, mais encore faut-il savoir la mettre en pratique. Etre bien entouré pour Fréderic Gayral, co-fondateur de QST International Ltd, Food., signifie “mettre en place une structure de façon à ne plus s’en occuper et se consacrer à son métier !” La formule fait mouche. Seuls des professionnels aguerris vous permettront, par exemple, “de ne pas sous-estimer l’importance de l’environnement contractuel”, illustre Eric Lambert, dans un pays où ce n’est pas la loi qui décide de tout et pour tous…
Ceci étant, rassembler des conseillers compétents ne dispense de vivre sur place, prévient Pascal Ferré avec l’assentiment général. Le succès passe donc par le déracinement. C’est évidemment plus simple pour Frédéric Gayral puisqu’il se prétend amoureux du pays et aime à faire découvrir ses fromage au pub du village, en guise de test consommateur.
Pour sa part, David Rosenberg n’hésite pas à parler de “choc culturel” et jugeant incontournable de traverser une “période d’apprentissage”. Pour réussir à s’adapter et “accepter d’oublier ses références françaises”, Eric Lambert met en avant l’importance du networking : “il faut échanger, parler et confronter tout ce que l’on a découvert.” Concrètement parlant, les factures se paient immédiatement en Grande Bretagne, entend-on, ou bien encore il serait inconcevable de ne pas se présenter en jeans le vendredi dans la grande distribution…
Ce que doivent retenir les candidats à l’expatriation, c’est que “la préparation et l’intégration” sont les maitres mots de la réussite, synthétise Pascal Ferré, en mettant une nouvelle fois en garde ceux qui sont uniquement “attirés par les sirènes à bas coûts”.
Mais rien n’est gagné d’avance et en dépit de toutes les précautions, il faut se tenir “prêt à l’incertitude”, avertit Alexandre Covello, et toujours avancer avec “humilité, d’autant que les Français ont la réputation d’être arrogants”, surenchérit Fréderic Gayral.
Au bout du compte et les années passant, “la clé de l’implantation durable” repose comme partout sur l’innovation et les investissements, autrement dit il ne faut pas oublier de “remettre en cause ses produits et ses biens industriels”, conclut Eric Lambert.
Merci à chacun des orateurs d’avoir partagé leur expérience d’entrepreneur sur le marché anglais autour de ces deux points saillants : la préparation et intégration.
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