Il fait gris et il bruine sur l’Europe. Elle doute d’elle-même notre vieille Europe. Elle essaie de conjurer son mauvais sort en multipliant les offrandes sur l’autel de la discipline budgétaire. Les Britanniques n’ont pas voulu suivre.
Aujourd’hui, beaucoup de citoyens européens pensent que le Royaume-Uni va ou doit quitter l’Union européenne. De leur côté, les bookmakers ne donnent pas cher de la peau de l’euro… On parie sur le premier pays qui va en sortir, la Grèce serait donnée à 1,05 contre 1, cela ne paye plus que 5 pences ! On en est là.
Vendredi matin, les médias français paraissaient confondus devant le véto britannique qu’ils analysaient comme une dérobade historique. Londres se drapait dans un superbe isolement, il est vrai que seul contre 26, on peut difficilement faire mieux.
Aucune surprise du côté de ceux qui avaient eu le privilège d’entendre Sir Peter Westmacott, ambassadeur du Royaume Uni en France, au cercle de l’Union Interalliée, mardi 29 novembre.
Devant les anciens de Harvard, réunis à déjeuner par Pierre Gadonneix, président d’EDF, il a égrené les points de convergence entre nos deux pays, du nucléaire à la stratégie de défense, en passant par la lutte contre l’immigration clandestine. Il fut ensuite question de l’euro.
Dans son français admirable, ourlé d’une pointe d’accent qui fleure bon Oxford, Peter Westmacott a annoncé que les Britanniques avaient tracé une ligne rouge : la taxe sur les transactions financières.
En prévoyant cette taxe, le pacte qui vient d’être conclu par les pays européens menace la compétitivité de la City, première place financière mondiale, devant New York et Tokyo. Le refus de David Cameron de souscrire à cette perspective était donc prévisible car la City pèse 13% du PIB britannique.
Marginalisé à son retour du sommet, le Premier ministre reste confronté au dilemme exprimé par son ambassadeur.
D’une part, ils n’ont pas adopté la monnaie unique, “parce qu’on pensait que ça ne pouvait pas marcher”, a énoncé avec flegme Peter Westmacott, alors que d’autre part, “l’intérêt des Britanniques est que la zone euro fonctionne bien puisque 50% de notre commerce se fait avec elle”, complète pertinemment l’ambassadeur.
Tout le monde en convient avec lui : “si la zone euro éclate, cela sera très couteux pour tous les pays qui ne sont pas dans la zone”, prévient-il. Rappelons en effet que l’euro ne concerne que 17 pays sur les 27 que compte l’Union européenne.
On se souvient que, agacé par une forme d’attentisme d’Angela Merkel, Nicolas Sarkozy avait dit au début de la crise : “La France agit, l’Allemagne réfléchit”. J’ai rappelé à Sir Peter Westmacott, le bon mot qu’il avait fait, il y a deux mois, lors du prix du rayonnement français, organisé par la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam : “Vous les Français vous rayonnez, tandis que nous, les Britanniques, nous réfléchissons.” (lire : “L’ambassade du Royaume-Uni à Paris abrite la remise du 2ème Prix du Rayonnement français” du 14 novembre 2011).
En observant le sourire de Nicolas Sarkozy à la sortie du sommet comparé au visage fermé de David Cameron, cette réflexion s’est révélée prémonitoire.
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