➡ VERBATIM de mon intervention —————————-
Madame la Présidente,
Madame la ministre,
Mes chers collègues,
Nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du Monde de football de 2022.
Ce texte a été adopté en commission, lors de sa réunion du 9 février. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste et le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ont souhaité le retour à la procédure normale, afin qu’il soit débattu de cette convention de partenariat.
Toutefois, je tiens à rappeler que nous ne pouvons pas amender ce projet de loi, qui sera soit adopté, soit rejeté par notre Assemblée.
Cet accord, signé le 5 mars 2021 à Doha, concrétise l’ambition politique qui avait été tracée par la déclaration d’intention conclue au nom des deux gouvernements le 28 mars 2019, en lui donnant un cadre juridique robuste.
Le Qatar a été désigné par la Fédération internationale de football en décembre 2010 pour accueillir sur son territoire, la Coupe du Monde de 2022.
Afin de prendre en considération le climat particulièrement chaud du pays, la Coupe du Monde de football a été décalée en novembre-décembre 2022.
Elle sera le plus grand évènement sportif organisé dans le monde arabe.
Le Qatar pourrait accueillir jusqu’à 1,5 million de supporteurs.
Je voudrais tracer un parallèle pour prendre la mesure du défi pour les autorités du Qatar :
Ce pays compte 2,6 millions d’habitants, dont seulement 300.000 Qatariens, soit 11,5% de la population.
A l’échelle de la France, cela signifierait que nous aurions 60 millions d’étrangers pour 8 millions de Français et…
…que nous nous apprêterions à accueillir 40 millions de visiteurs étrangers supplémentaires !
Vous l’avez compris, cet évènement engendrera donc une très forte concentration de personnes sur les différents sites et des flux considérables.
Il va mettre le Qatar face à de nouvelles questions de sécurité : gestion de la menace terroriste, hooliganisme, mouvements de foule, cyberattaques…
Le Qatar sera également confronté à certaines problématiques que, pour des raisons culturelles, il n’est pas habitué à gérer : contrefaçon, consommation d’alcool, actions d’organisations contestataires…
Pour relever ces défis, le Qatar a cherché, dès sa désignation en 2010, à développer des partenariats avec différents États avec lesquels il était déjà lié, dont la France.
En effet, la France et le Qatar ont développé une forte coopération bilatérale en matière de sécurité et de défense.
Le Qatar est le 2ème partenaire opérationnel de la France dans le Golfe, après les Émirats Arabes Unis.
Cette coopération a été renforcée par la signature de contrats majeurs, comme le démontre l’achat récent de 36 Rafale.
Le Qatar est également un partenaire stratégique en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation au cours des dernières années, tant de la France, qu’au niveau international.
Sur le plan bilatéral, le Président de la République et l’Émir du Qatar ont signé le 7 décembre 2017 une lettre d’intention visant à renforcer la coopération bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation.
Cette coopération a été renforcée avec la mise en place d’un dialogue stratégique en février 2019.
L’Émirat joue un rôle actif au sein de la Coalition internationale contre Daech, à laquelle il apporte notamment un soutien logistique important en mettant à disposition la base militaire d’Al-Udeid et en fournissant un appui logistique à la force conjointe du G5 Sahel.
Enfin, le Qatar et les Nations unies ont récemment signé un accord portant sur l’ouverture d’un bureau à Doha du programme des Nations unies pour la lutte contre le terrorisme.
En parallèle de son implication dans la lutte contre le terrorisme, on peut constater que le Qatar a réalisé d’importantes réformes en faveur des conditions de travail des immigrés.
En effet, le Qatar est le premier État de la région à avoir abrogé en 2016 le système de la « Kafala », qui oblige l’expatrié à dépendre d’un « parrain », souvent qualifié de « sponsor » et qui peut être une personne physique ou morale.
Le Qatar est aussi le premier État de la région à avoir instauré un salaire minimum pour les travailleurs expatriés non-qualifiés.
Le texte législatif, adopté en août 2020, est entré en vigueur en mars 2021.
Toutefois, ces efforts doivent être poursuivis.
Le rapport de l’Organisation internationale du travail, publié en novembre dernier, conclue à un nombre trop important d’accidents du travail, dont certains mortels, sur les chantiers de la Coupe du Monde.
Élaboré en collaboration avec les institutions qatariennes, il identifie des lacunes dans la collecte des données et incite à la mise en place d’une plateforme nationale qui permettrait une meilleure indemnisation des victimes et de leurs familles.
En ce qui concerne la peine de mort, elle est toujours en vigueur au Qatar et continue d’être prononcée, mais le pays applique depuis 2003 un moratoire sur les exécutions, mis à part le cas de l’exécution d’un ressortissant népalais, condamné à mort pour meurtre, en 2020.
La coopération bilatérale entre la France et le Qatar en matière de gestion des grands événements sportifs existe depuis les Jeux asiatiques de 2006, qui ont été le premier grand événement sportif accueilli par l’Émirat.
Elle s’est poursuivie lors des championnats du monde de handball en 2015, de cyclisme en 2016, d’athlétisme en 2019, et pour la Coupe arabe des nations de football de 2021.
Pour la Coupe du Monde de football de 2022, le partenariat projeté est plus ambitieux que ce qui a été réalisé jusque-là, d’où le souhait de rechercher une formalisation juridique plus aboutie afin de prévoir un cadre qui sécurise le déploiement d’un volume important d’experts sur le terrain.
Cet accord peut se définir comme une offre de services de la France, de nature à couvrir l’ensemble du spectre des besoins de sécurité d’un grand événement sportif.
Sa mise en œuvre pourra s’appuyer sur les grandes directions opérationnelles du ministère de l’Intérieur (gendarmes, policiers et pompiers), pour des missions de conseil et d’accompagnement voire également par un appui opérationnel au partenaire qatarien.
La partie qatarienne doit formuler plus précisément, à brève échéance, ses besoins, en fonction desquels l’offre de coopération française sera modulée.
L’accord prévoit que les actions de coopération seront essentiellement financées par la partie qatarienne.
Cet accord prévoit également des garanties fortes au bénéfice des agents français du ministère de l’Intérieur qui se rendraient sur le territoire qatarien aux fins de la mise en œuvre du présent accord.
Ainsi, ils bénéficieront des garanties relatives au droit à un procès équitable au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CESDH) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.
En outre, l’accord organise une protection contre l’application de la peine capitale ou d’autres traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la CESDH.
Ces dispositions offriront donc une parfaite sécurité juridique aux agents français du ministère de l’Intérieur qui participeront aux activités de coopération qui seront mises en œuvre en vue de la Coupe du Monde de football 2022 et durant l’événement, à l’instar des garanties offertes aux agents du ministère de la Défense, par l’accord bilatéral relatif au statut des forces qui a été présenté à la Commission la semaine dernière.
Toutefois, contrairement à ce dernier, le présent accord prendra fin le 30 juin 2023.
Enfin, la conclusion de cet accord est en outre à replacer dans le contexte économique.
Les enjeux économiques et commerciaux liés à la Coupe du Monde de football, estimés à 200 milliards de dollars, offrent des opportunités importantes pour nos entreprises, dans de nombreux secteurs d’activité (transports, infrastructures, sécurité, environnement, etc.).
Il représente aussi l’opportunité de nous préparer à l’accueil et à la sécurisation de la Coupe du Monde de rugby en 2023 et des Jeux Olympiques de 2024.
Les autorités qatariennes n’ont, à ce jour, pas notifié l’accomplissement des procédures nationales requises pour l’entrée en vigueur de l’accord.
Cet accord sera examiné ensuite à l’Assemblée nationale à la reprise des travaux parlementaires.
Notre commission a été majoritairement favorable à l’adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier.
Je vous remercie.