Vice-président de la commission d’enquête sur le narcotrafic, je suis intervenu, au nom du groupe UC, dans la discussion générale sur la proposition de loi visant « à sortir la France du piège du narcotrafic », présentée par mes collègues Étienne Blanc et Jérôme Durain.
Un texte sénatorial soutenu à la fois par Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur et Gérald Darmanin, ministre de la Justice, parce qu’il veut réarmer notre pays contre les narcotrafiquants : création d’un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) ; renforcement des outils de lutte contre le blanchiment d’argent ; lutte contre l’usage dévoyé des nullités de procédure, etc.
J’ai rappelé que nous pouvons voter toutes les lois du monde, si nous ne mettons pas les moyens en face, les résultats ne seront pas au rendez-vous.
Pays-producteurs et pays-consommateurs ne peuvent se renvoyer la balle. Ils sont les deux faces de la même pièce.
L’ensemble des pays de la zone affectée par le narcotrafic réclame une coopération internationale plus poussée.
Nous n’avons pas 10 attachés de sécurité intérieur pour toute l’Amérique latine. Un seul pour le Pérou et la Bolivie, respectivement deuxième et troisième producteurs mondiaux de cocaïne. Notre attaché de sécurité intérieur au Venezuela a été expulsé par Maduro ce week-end.
Face aux cartels internationaux qui s’adaptent rapidement et savent se diversifier, je soutiens qu’il faut couvrir l’ensemble du spectre et prendre le problème à sa source, sur fond de coopération internationale, c’est le cœur de mon message.
VERBATIM de mon intervention
Madame le Président,
Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,Cette proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic prolonge opportunément le travail accompli par notre commission d’enquête sénatoriale conduite par Jérôme Durain et Etienne Blanc que je veux féliciter tous deux pour leur travail.
Avant tout, je veux saluer l’engagement de nos forces de l’ordre et de nos magistrats.
Comparé au début des années 90, le taux moyen d’homicide en France a été divisé par 2. Il est de 1 pour 100.000 habitants, à peu près stable depuis 10 ans.
Nous sommes très loin de ce que l’on peut observer en Amérique latine, où ce taux est 20 fois supérieur.
La France reste un pays sûr. Nous avons un État qui fonctionne. Notre police et notre justice agissent.
Mais nous devons leur permettre de s’adapter car nous entrons dans une nouvelle ère.
L’Amérique Latine, c’est 8 % de la population mondiale et 37 % des homicides. Plus des deux tiers de ces meurtres sont attribuables aux groupes criminels.
Traditionnellement, les cartels contrôlaient des territoires limités et se spécialisaient sur un seul produit, généralement la cocaïne. Aujourd’hui, ils s’internationalisent et se diversifient rapidement. Ils s’impliquent de plus en plus dans le trafic d’êtres humains, de produits illégaux, de kidnapping et d’extorsion.
Nous voyons se développer chez nous la partie que les cartels laissent aux groupes locaux pour gérer ce qui nécessite un fort besoin de main-d’œuvre et génère un moindre profit des ventes. Les Dom Tom sont en première ligne sur la route de ce trafic.
Comme l’a rappelé notre collègue Etienne Blanc, nous pouvons voter toutes les lois du monde, si nous ne mettons pas les moyens en face, les résultats ne seront pas au rendez-vous.
Pays-producteurs et pays-consommateurs ne peuvent se renvoyer la balle. Ils sont les deux faces de la même pièce.
L’ensemble des pays de la zone affectée par le narcotrafic réclame une coopération internationale plus poussée.
Nous n’avons pas 10 attachés de sécurité intérieur pour toute l’Amérique latine. Un seul pour le Pérou et la Bolivie, respectivement deuxième et troisième producteurs mondiaux de cocaïne. Notre attaché de sécurité intérieur au Venezuela a été expulsé par Maduro ce week-end.
Invité en mai dernier par le ministre de l’Intérieur bolivien, j’ai assisté dans la jungle amazonienne à une opération de destruction de laboratoires de cocaïne.
Nous y avons découvert des sacs de précurseurs chimiques « made in China » qui entrent à 60% dans la composition de la cocaïne.
Ces précurseurs chimiques peuvent être commandés en Chine sur internet. Ils composent également les drogues de synthèse comme le fentanyl. Un vendeur de Fentanyl des rues de New York gagne 30 000 dollars par semaine. Les Etats-Unis sont passés de quelques centaines de décès liés au fentanyl au début des années 2010, à plus de 70 000 en 2021, pour franchir les 120 000 décès en 2023.
Cette année-là, le président Biden a ajouté la Chine à la liste américaine des principaux pays producteurs de drogues illicites au monde.
Les mafias chinoises assurent le blanchiment de ses dividendes au travers de casinos, d’immobilier, et de sociétés écrans diverses.
Comme notre commission d’enquête l’a révélé, Hong-Kong est devenu le trou noir du blanchiment.
Si louables que soient les avancées proposées et que le groupe Union centriste soutiendra, nous sommes conscients que ce volet répressif ne résoudra rien à lui seul.
Le premier décès officiel de mort par overdose enregistré en France date de 1969. Nous en comptons actuellement plusieurs centaines par an.
Sur nos routes, un décès sur 5 implique un conducteur ayant consommé de la drogue.
Au delà des mesures d’urgence proposées ici, sur lesquelles reviendra Pascal Martin, il nous faudra des politiques beaucoup plus élaborées sur le long terme, avec des efforts importants sur la prévention en particulier sur la jeunesse, pour pouvoir enrayer la violence liée à la drogue, tout en préservant nos libertés publiques.
La guerre au narcotrafic est mondiale, pour la gagner, il faut adopter une approche européenne en mettant de vrais moyens sur la coopération internationale contre le crime organisé pour empêcher l’arrivée de la drogue sur notre territoire.
Car croyez-vous que nous aurions réussi dans notre lutte contre le terrorisme sans aller combattre Daesh sur son terrain en Syrie et en Irak ?
Je vous remercie.
0 Commentaire
Publiez votre commentaire