Notre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a organisé, ce 29 mai, une audition intitulée : « Quelles perspectives et quels défis pour les États-Unis en cette année d’élections ? »

J’ai eu ainsi l’occasion d’interroger Alexandra de Hoop Scheffer, politologue, senior vice-présidente pour les questions géopolitiques au German Marshall Fund of the United States, pour connaître son opinion sur la capacité des États-Unis à assumer le leadership seul des démocraties face à la Chine et savoir si le travail interparlementaire ne pouvait pas être une solution d’avenir en complément de la diplomatie.

Je remercie Alexandra de Hoop Scheffer pour sa réponse perspicace et détaillée, soulignant que les vulnérabilités actuelles de la démocratie américaine et vingt années de lutte contre le terrorisme ont « effrité le leadership moral américain en tant que modèle ».

« Je crois beaucoup au futur du dialogue interparlementaire », a-t-elle commenté, et m’a invité à collaborer avec elle, rappelant que son travail au quotidien était « de mettre autour de la table tous les acteurs de l’écosystème de la relation franco-américaine : parlementaires, think-tanks, instituts de recherche et les industries de la tech qui ont une compréhension du terrain et qui sont totalement connectés aux réalités par rapport, parfois, à nos décideurs politiques ».

Verbatim

La question qui se pose à nous si on regarde la « big picture » c’est justement l’affrontement entre deux mondes, celui de la Chine avec un monde dictatorial, un monde de soumission pour les gens et le monde démocratique, avec les élections, la liberté d’expression.

La question qui se pose à nous, en fait : est-ce que les États-Unis peuvent assumer ce leadership des démocraties et est-ce qu’ils ont la taille critique pour pouvoir le faire seul ?

Dans le domaine de la lutte contre le narcotrafic : 120.000 morts, l’an dernier du fentanyl, qui vient des précurseurs chimiques chinois. On a vu leur ministre des Affaires étrangères à Pékin, et donc ils sont en situation d’échec.

Dans la lutte contre le trafic d’êtres humains : 500 000 migrants illégaux l’an dernier. Les cartels mexicains ont fait plus d’argent avec ce trafic qu’avec le trafic de drogue, donc ils sont encore en situation d’échec et on le voit au Texas, on le voit à Washington avec les camps de tentes.

Dans le domaine de la cyber, j’étais encore à Washington en mars dernier et on voit que dans la cyber, eux ne demandent pas une cyber-souveraineté, ils veulent une cyber-solidarité, puisqu’ils voient bien que dans le domaine de la cyber aujourd’hui ils n’ont plus la taille critique se pour confronter à la Chine seuls.

Il y a une autre bonne raison, c’est que les entreprises de la tech américaines ont, elles, besoin du marché européen. Donc, elles ne peuvent pas se soumettre à l’administration américaine telles que les entreprises chinoises doivent se soumettre à Pékin. Là aussi il y a une question de taille critique.

Il y a une évolution qui se fait, l’IPAC l’a montré, l’Alliance interparlementaire sur la Chine lancée en 2021. Ce n’est pas un hasard si la Chine a tout de suite attaqué cette interparlementaire et essayé de la hacker.
Le jeu de la Chine est d’isoler les États-Unis en réalité parce qu’ils ont bien compris que, peut-être, ils n’avaient plus la taille critique.
Et le jeu c’est justement de déconnecter tous les pays européens, les uns après les autres, vis-à-vis de la Chine.

Donc, est-ce que vous ne voyez pas plutôt dans la façon d’aborder les choses, compte tenu de la question américaine, enfin les faiblesses de la présidence actuelle…
Est-ce que vous ne voyez pas plutôt un futur pour que les parlements, les congrès américains, les sénats travaillent directement avec des parlements étrangers pour réfléchir à des moyens de lutter contre les Chine ?

Est-ce que vous pensez que le Congrès américain serait prêt à organiser un travail dans ce domaine, si les États-Unis voulaient toujours assumer un leadership ?

Est-ce que vous pensez que les parlements français, européen doivent développer justement une approche directe en complément de la diplomatie traditionnelle ?

Et pensez-vous que les Américains aient la capacité à assumer le leadership seul des démocraties face à la Chine, aujourd’hui ?