Ils seraient fort étonnés les élèves du lycée Charles de Gaulle si on leur disait que Jacques Iselin a traversé bien souvent la grande salle qui porte désormais son nom. Rien à voir avec un général d’Empire, un parlementaire de la IIIème République ou autre vieille baderne qui peuplent nos dictionnaires. Non, juste un ancien prof d’arts plastiques du lycée, de 1956 à 1997. Un prof que ses élèves adoraient. Si cela ne tenait qu’à Jacques Iselin, il se satisferait amplement de cette image posthume.
Nous ajouterons qu’il était un grand artiste.
Enseigner ce n’est pas remplir des vases, mais allumer des feux. Cette formule de Montaigne illustre au mieux la démarche de Jacques. Combien sont-ils les élèves dont il a révélé la sensibilité intérieure, développé le sens du beau et, parfois même, fait éclore une vocation?
Son immense culture ne présentait pour lui de sens que si elle pouvait aider autrui, en commençant par se mettant à la portée de chacun. Pourtant, il se gardait bien d’être professoral. Il suffisait de lui demander ce que représentait telle ou telle peinture pour qu’il vous réponde, un sourire en coin : “Mais, tu y vois ce que tu veux…”. Le théâtre étant son péché mignon, il adorait produire ces petits effets, à contre-emploi de la posture traditionnelle du prof.
Si pendant quarante ans il a enseigné avec passion, sa nature réservée, parfois secrète, reprenait le dessus dans son atelier de Fulham, où il réalisé avec intensité une oeuvre picturale abondante, dont nous pourrons voir une partie à Hastings, dès le 29 février prochain. L’anecdote est plaisante : la galerie d’art a prié Hélène, femme de Jacques, de donner un titre pour chaque pièce exposée, un détail dont ne s’était pas encombré son peintre de mari.
Dans cette tâche délicate, elle a pu compter sur l’assistance précieuse et réconfortante de Jean-Luc Muller, l’ami musicien de Jacques, le complice de quinze années de conversations tous azimuts et de créations théâtrales. “Nous avons, ensemble, essayé de ne pas trahir le message que Jacques voulait transmettre lorsqu’il nous a fallu traduire par des mots les images, les sentiments et l’esprit de ses oeuvres”, explique Hélène. “Y sommes-nous arrivés?… Avons-nous réussi ?… Seul Jacques pourrait l’affirmer ou l’infirmer”, sourit-elle.
Un jour glacial de janvier 2003, devant la dernière demeure de son ami, le musicien Jean-Luc Muller s’était déjà chargé de trouver les mots qui convenaient. Et il les a prononcés ces mots, si justes et denses qu’ils ont résonné au coeur de tous comme la complainte d’un violoncelle :
“… Je vois ce regard, cet oeil qui écoute et l’autre qui pense.. Je vois cette barbe de patriarque respecté.
Jacques était un créateur, un concepteur d’idées, un artiste authentique chez qui, d’ailleurs, je trouvais un petit côté visionnaire.
C’était un plaisir de le voir en action… tour à tour conteur, historien ou homme de terrain et bien sûr, prof d’art hors pair.
Altruiste, il insufflait cette énergie qu’il aimait appeler la “charge émotionnelle”, une espèce d’énergie ravageuse dont on ne sortait pas indemne.
Je garde de Jacques une image, celle d’une palette de couleurs vives, comme ses peintures.”
La biographie de Jacques Henri Iselin (fichier pdf)
Exposition Jacques Iselin, du 29 février au 14 mars 2012
Hastings Arts Forum, 36 Marina, Saint Leonards on Sea, Sussex, TN 38-OBU.
e-mail:info@hastingsforum.co.uk
www.hastingsartsforum.co.uk
18 Commentaires
Bonjour,
Ne pouvant être avec vous pour cette exposition je tenais à laisser un mot en mémoire de cet ancien professeur qui plus qu’un professeur, était un homme de cœur, qui partageait ses passions avec ses trippes ; avec force et détermination, il savait faire sortir en nous ce qu’il y avait de meilleur, quel que soit le mode d’expression.
Il a fait naître de nombreuses passions pour l’art et nombreux sont ceux aujourd’hui qui vivent de leur art et il va sans dire que Jacques y est pour quelque chose.
Toutes mes voeux de succès pour cette exposition.
Salutations à Hélène et Jean-Luc.
Peut-etre trouverai-je du temps pour aprecier l’artiste a Hasting … mais j’ai un bon souvenir de l’homme de coeur, dans une periode ou j’essayais de reorganiser ma tete et ma vie. J’ai pu sans frayeur passer des vacances de reve a la Guadeloupe ou le ‘serpent bananier’ avait pris des vacances (disait-il) et peut-etre ai-je repris un peu de confiance dans mes gribouillis quand il a eu accepte la grace de me laisser m’assoir dans une de ses classes de seconde … je continue a dessiner a l’age de 57 ans … une inspiration??? Ses fils, je crois, ont passe de bons moments dans mon appartement de la Bastille en 1982 (?). Donc salut a Helene que je ne connais pas … et meilleurs souvenirs a Jean-Luc que je ne connais plus!
Quel hommage!
Merci de perpétuer la mémoire de Jacques, qui a en effet créé, fait ressortir, éveillé tant de vocations!
Il était à l’écoute, il était proche de nous, et toujours dans une ambiance de bonne humeur, il savait nous faire passer son savoir, sa passion pour le dessin, et le théatre.
Ses cours, ses pièces de théatre, seront à jamais gravés en moi, mon quotidien professionnel requérant un peu de jeu d’acteur.
Merci pour cet hommage, je ne pourrais malheureusement pas être présente, mais malgré les milliers de km, je serais là par la pensée, parce que Jacques a joué un grand rôle dans le chemin que j’ai suivi.
J’espère que cette exposition attirera les foules, car une fois que l’on a connu Jacques, en personne ou à travers son oeuvre, on ne l’oublie plus.
Mes pensées vont également à sa femme et Jean Luc, toujours aussi fidèle.
Ariane
Bonjour,
C’est avec une certaine emotion que j’ai lu cette sommaire biographie d’un Professeur d’Art qui vient de disparaitre en laissant derriere lui, si je puis dire, dire un riche heritage.
Bien que ne l’ayant pas connu de son vivant,j’imagine l’impact de la culture qu’il a engendree sur les generations qui sont passees avec bonheur, sous sa tutelle.Ayant ete moi-meme eleve d’un prestigieux Lycee au Senegal,je voudrais juste dire en quelques mots que je ressens du respect pour l’homme de charisme et de connaissance que ce monsieur a tres certainement ete et envoyer mes sinceres condoleances a ses proches et particulierement a son epouse.
Hussein.
Bravo à l’ami Cadic pour avoir évoqué mon vieil ami Iselin, un personnage! Dans la cour du lycée, chaque matin nous nous croisions; il me disait:
“bonjour mr le ministre des travaux finis!”
je lui répondais:
“salut à vous, monsieur le camarade syndiqué des poupées en porcelaine et des voitures à bras!”
C’était vraiment le bon temps, vers 1990!!!!
merci à toi Olivier!
Jacques! Comme tu manques au Lycee, comme ta passion et ta vision manquent a tous ces gosses perdus dans les annees difficiles d’adolescence, comme ta voix manque pour representer defendre et faire entendre tous ceux qui voient en L’ART, un outil pedagogique indispensable a l’equilibre de tous ces enfants, chacun de “tes” momes!
Dans l’impossibilite de me rendre au vernissage, je tiens a celebrer ta memoire et exprimer mon affection a Helene
Jacques… I can’t think of anything to say that would truly reflect how much of an impact you had on this little boy’s life. The stage was mine, and they all loved it..what else could I have wished for? …. I miss you.
Je l’aimais aussi et je suis trop émue pour en dire plus… J’aimerais retrouver le contact d’Hélène et de Jean-Luc, si quelqu’un le sait, pour leur dire… “…” plein de choses.
En tout cas…
merci d’avoir été Jacques, merci pour tout ce que tu as été.
Formidable de trouver ceci – Jacques fut un super prof; qu’est-ce que j’ai ri dans sa classe; et appris, en terme d’art et probablement plus important en terme de vie en general. Il fut le prof de mon frere, Michel (63-76) et collegue de notre maman Yvonne Jones (Goutille). Un bien grand homme, bien a lui et merci a M. Muller (mon prof de music aussi) et bonjour M. Simon, occupe toi bien de ma fille Eva, en 5eme! Cx
Oh Jacques, que de bons souvenirs, et de bons mots…
“Silence!… Pas cinq, pas sept, six lances” tonnais-tu parfois pendant la classe…
‘J’en ai plein l’froc, le fond des godillots, des bottes…”
Nous nous tordions de rire…
Merci à toi d’avoir surtout accompagné mes premiers pas sur scène, et de m’avoir aidé à développer ma vocation de comédienne…
“Tu es photogénique” m’avais-tu dit un jour, à l’issu d’un exercice filmé…
Merci pour cette confiance que tu nous as insufflé, et de cette grandeur d’âme que tu avais…
Bises, et à un de ces quatre…
Sophie
Jacques fut pour mon frère et moi, un homme capital. Il était un guide, un cœur, et bien plus. Nous étions au lycée de 1980 à 1987. En 1985, notre mère est décédée brutalement et je crois que sans lui, nous aurions eu beaucoup de mal à nous en remettre. Il a été pour nous un Ange. Je peux pas dire mieux.
From 1956 until I finally left Let. Sup. in 1963, and thereafter working as a “pion”, ‘Iseloque’ was an integral part of my life. He taught me not just to look but to SEE; he encouraged me to pursue a stage career (I didn’t take his advice, alas); he taught me to drink beer and smoke Gitanes; he encouraged me to lose my virginity. He taught me to live. He will always represent for me all that was best about my years under that great headmaster, Augustin Gaudin, at one of the finest schools that one of the best education systems in the world has ever produced.
Adieu, Jacques, mon ami.
C’est avec beaucoup de peine que j’apprends que notre cher prof de dessin et compagnon de bien de rigolades, cet etre bienveillant, que j’aurai du ecouter davantage lorsqu’il me faisait des remarques positives sur mes travaux…. d’une presence et d’une science aussi fine et d’une sympathie infinie, ne soit plus avec nous…
Jacques Iselin – “2B or not 2B, that is the pencil” et “avant l’heure c’est pas l’heure, et apres l’heure c’est plus l’heure”.
Affectueusement,
Gaea
…violet, indigo, bleu, rouge … c’était environ en 1962, si tu continues
de chahuter, mon petit, c’est vingt croquis d’arbres… Vous qui l’avez
connu, vous vous souviendrez peut-être. Entre temps, il y a eu la belle
histoire de Pont Saint-Esprit, archéologie, festival d’Aix, Uzes, Nimes,
Arles, St Remy de Provence, les Americains sur la lune, les pompiers dans la
Collegiale. Puis notre expo de lithographie. Qui est Jean Lurçat? Il
écoutait, il expliquait…
La dernière fois que je l’ai aperçu, je l’entendis d’abord crier apres un
automobiliste impatient qui le doublait de trop pres. Il était sur sa
bicyclette en chemise blanche, au croisement de Cresswell Gardens et Old
Brompton Road…
Nous l’aimions cet homme si généreux, ce coup de tonnerre.
Bien affectueusement,
Ann
Iselin était prof, moi j’étais le fils du prof de maths, Lydie était la fille du prof de musique. On se retrouvait au Zetland Pub pas loin du Lycée à South Ken. c’était les années 66-70. L’été on descendait tous en bande à Pont Saint Esprit dont le maire était le beau-frère d’Iselin. On parlait tous le franglais.
Tout ce que je connais en peinture je le dost à Iselin (on ne disait pas Jacques, on disait Iselin et parfois même Iseluche).
Jacques m’a permis d’être qui je suis maintenant. Sa volonté et son regard clair a toujours accueilli l’avenir de ses élèves et il luttais pour le miens incessamment.
Le prof fête l’artiste, donne son rêve, sa foi.
Merci
Il est des enseignants qui comptent dans la construction d’une personnalité, il en est même qui sont cruciaux. Jacques Iselin a été de ceux-là pour moi entre 1994 et 1997.
Croyant en moi quand je n’y croyais pas, nous incitant à nous dépasser et à nous faire confiance à nous-mêmes , jamais sectaire, respectueux des différences, donnant sans compter son temps et son énergie, avec Hélène et les collègues qu’il savait fédérer autour de ses projets, animé par la flamme de la transmission par les arts plastiques et le théâtre… Nos vies portent encore aujourd’hui les fruits de l’enseignement et de l’implication bienveillante de ce grand professeur.
Merci Jacques Iselin.
Hastings…10 ans déjà que cette belle exposition en hommage à Jacques a eu lieu, dans cette Galerie d’Art face à la mer… Je m’en souviens comme si c ‘était hier. Avec Hélène, nous avons échangé peu de mots car il y avait trop d’émotions…Le bonheur irradiant de rendre hommage à l’artiste et la douleur de l’absence se sont mêlés ce jour-là et aujourd’hui, presque 20 ans après sa disparition, l’ami Jacques est toujours là dans le coeur de ceux et celles qui ont eu la chance de le rencontrer. Comme il dirait, “Mieuksa, tu peux pas!”
Jean-Luc
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